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Bulletin

Loi 29 - Québec publie ses projets de règlements concernant les nouvelles sanctions administratives pécuniaires pour les manquements à la Loi sur la protection du consommateur

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Bulletin Concurrence, commercialisation et investissements étrangers

Introduction

Le 21 août 2024, le gouvernement du Québec a publié, sous forme de projets, deux nouveaux règlements précisant les modalités entourant le nouveau régime des sanctions administratives pécuniaires (« SAP ») et augmentant les amendes pénales dans l’objectif de promouvoir le respect des règles prévues dans la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC ») et le Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur (le « Règlement »). Il s’agit du Règlement modifiant le Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur (« Règlement modifiant le Règlement d’application ») ainsi que du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires relatives à la Loi sur la protection du consommateur (« Règlement modifiant la LPC »).

Ces projets de règlement découlent de l’adoption en octobre 2023 de la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens, qui était connue sous le nom de projet de loi 29 (la « Loi 29 »), qui contient plusieurs modifications importantes à la LPC dont les fabricants et commerçants faisant affaire au Québec devraient être informés[2]. Notamment, la Loi 29 visait à ajouter un chapitre à la LPC pour prévoir un nouveau mécanisme de sanctions, soit les SAP, pour punir les manquements « objectivement observables » à une disposition de la LPC, du Règlement ou d’un engagement volontaire. La Loi 29[3] prévoyait le pouvoir du gouvernement du Québec de déterminer les conditions d’application de ces SAP et d’en déterminer le montant ou le mode de calcul, sans toutefois que ces sanctions puissent excéder 1 750 $ dans le cas d’une personne physique ou 3 500 $ dans les autres cas (personne morale). Le Règlement modifiant le Règlement d’application et le Règlement modifiant la LPC (les « Nouveaux Règlements ») sont maintenant proposés pour préciser ces règles.

Il sera donc important pour les commerçants de prendre connaissance des nouvelles SAP et des amendes pénales substantielles auxquelles ces derniers peuvent s’exposer s’ils contreviennent à certaines dispositions de la LPC et de son Règlement.

Les nouvelles sanctions administratives pécuniaires

En plus des recours civils que les consommateurs peuvent exercer en cas de non-respect des obligations prévues par la LPC ou son Règlement, l’organisme public responsable de veiller à leur application, soit l’Office de la protection du consommateur (l’« OPC »), pourra désormais imposer un nouveau type de sanction, les sanctions administratives pécuniaires.

En effet, les SAP constituent un régime de sanction ayant un champ d'application plus large que les amendes pénales qui étaient déjà prévues par la LPC et le Règlement. Le régime de sanctions pénales permet à l’OPC de recommander une poursuite pénale qui pouvait ensuite être intentée (ou non) par le Directeur des poursuites criminelles et pénales à la Cour du Québec. Pour sa part, le nouveau régime des SAP, lequel s’ajoutera au régime des amendes pénales, permettra au président de l’OPC d’imposer une sanction monétaire sans la nécessité de passer par le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Ainsi, ce régime fournira un outil additionnel à la disposition de l’OPC en vue de faire respecter la LPC et son règlement.

Les Nouveaux Règlements viendront établir les manquements objectivement observables à une disposition du Règlement, de la LPC ou encore à un engagement volontaire pouvant donner lieu à l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire, ainsi que le montant de chaque sanction. Plus précisément, les SAP ne peuvent excéder 1 750 $, dans le cas d’une personne physique, ou 3 500 $, dans le cas d’une personne morale[4], par jour pour lequel le manquement se poursuit[5].

L’imposition de sanctions pourra se faire selon les étapes suivantes :

  • L’imposition d’une SAP pourra être précédée d’un avis de non-conformité au commerçant l’incitant à corriger la situation et l’invitant à présenter ses observations et, s’il y a lieu, à produire des documents pour compléter son dossier en lui indiquant le délai pour ce faire[6].
  • Si aucune correction n’est apportée, une SAP pourra ensuite lui être imposée par la notification d’un avis de réclamation. Cet avis devra préciser[7]  :

a) le montant réclamé et sa date d’exigibilité;
b) les motifs de son exigibilité;
c) le délai à compter duquel il porte intérêt;
d) le droit de contester l’imposition de la sanction devant le Tribunal administratif du Québec et le délai pour exercer un tel recours.

  • À défaut pour l’entreprise visée de payer la totalité du montant dû ou du respect de l’entente conclue à cette fin, le président de l’OPC pourra déposer sa décision au greffe du tribunal compétent[8]. Cette décision deviendra alors exécutoire, comme s’il s’agissait d’un jugement définitif et sans appel de ce tribunal.

Le versement d’une sanction administrative pécuniaire sera aussi automatiquement garanti par une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles du responsable du manquement et, le cas échéant, de chacun de ses administrateurs et dirigeants tenus solidairement avec lui au paiement[9].

Augmentation des amendes pénales

Bien que la LPC comprenait déjà des dispositions pénales prévoyant des amendes, la Loi 29 augmente considérablement les montants des amendes. Notamment, les amendes maximales pour des infractions spécifiques s'élèvent à 125 000 $ ou 5% du chiffre d’affaires mondial de l’exercice financier précédant pour une personne morale. Il va sans dire que cette dernière possibilité pourrait mener à l’imposition d’amendes très importantes dans le cas des grandes entreprises multinationales. Un tableau énumérant les dispositions de la LPC visées par les amendes maximales instaurées par la Loi 29 se trouve en annexe 1 du présent Bulletin.

Notons également que les administrateurs, dirigeants et mandataires d’une personne morale, en cas d’infraction de cette personne morale, seront présumés avoir commis cette infraction, à moins d’établir avoir fait preuve de diligence raisonnable pour prévenir la perpétration de l’infraction[10].

Le Règlement modifiant le Règlement indique plus précisément les montants des amendes auxquelles s’exposent les commerçants en cas de manquement à certaines des dispositions du Règlement. Soulignons que tous les minimums et maximums indiqués pour ces amendes sont doublés en cas de récidive[11].

Conclusion

En principe, les deux projets de règlement devraient être adoptés suivant l’expiration d’un délai de 45 jours suivant leur publication, sous réserve de la possibilité que certaines modifications puissent être adoptées en fonction des commentaires communiqués au gouvernement du Québec à l’intérieur de ce délai. Sauf certaines exceptions, les nouvelles règles découlant de ces nouveaux règlements entreront en vigueur le 5 janvier 2025.

Il est possible d’anticiper que l’adoption du nouveau régime des SAP et l’augmentation des montants des amendes pénales, incluant la possibilité d’imposer une pénalité correspondant à 5 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise pour l’année financière précédente pour certaines infractions, pourrait mener à des actions plus fréquentes de l’OPC en vue de faire respecter les dispositions de la LPC et de son Règlement.

Nous suivrons avec intérêt les développements liés à l’entrée en vigueur, l’interprétation et l’efficacité de ces nouvelles règles.

Si vous avez des questions ou besoin d’assistance à ce sujet, nous vous invitons à communiquer avec les auteurs.


[1] Les auteurs tiennent à remercier Nikie Boillat-Proulx, stagiaire, pour son aide dans la rédaction de ce bulletin.
[2] Pour plus de renseignements à ce sujet, nous vous invitons à consulter notre bulletin intitulé « C’est fait : le Québec adopte une loi pour lutter contre l’obsolescence programmée et pour le droit à la réparation des biens de consommation ».
[3] Article 276.1 al. 2 LPC.
[4] Id.
[5] Article 276.2 LPC.
[6] Article 276.3 LPC.
[7] Article 276.6 LPC.
[8] Article 276.10 LPC.
[9] Article 276.8 LPC.
[10] Article 282.1 LPC.
[11] Article 281 LPC.

Annexe 1 - Infractions à la LPC visées par les amendes maximales pouvant correspondre à 5 % du chiffre d’affaires mondial de l’exercice financier précédent

Nouvel article de la LPC Disposition(s) de la LPC visées Sanction

278

  • Stipulation interdites (art. 10 à 13)
  • Assujettissement à une loi autre qu’une loi du Parlement du Québec ou du Canada (art. 19)
  • Contrats conclus à distance (art. 54.13 et 54.16)
  • Contrats conclus par un commerçant itinérant (art. 63)
  • Contrats de crédit (art. 83, 90 à 92, 103.2, 103.3, 122.1, 123, 124, 126.1, 127.1, 128.3 et 136)
  • Louage à long terme de bien (art. 150.3.1, 150.9, 150.9.1 et 150.26)
  • Contrats relatifs aux automobiles et aux motocyclettes (art. 179)
  • Contrat de vente d’une carte prépayée (art. 187.3 à 187.5)
  • Contrat relatif à un programme de fidélisation (art. 187.8)
  • Contrat relatif aux droit d’hébergement en temps partagé (art. 187.15, 187.18 et 187.25)
  • Contrat de service à exécution successive relatif à un enseignement, un entraînement ou une assistance (art. 195, 196, 203 et 205)
  • Contrat à exécution successive de service fourni à distance (art. 214.3, 214.7, 214.8)
  • Contrat conclu par un commerçant de service de règlement de dettes (art. 214.14, 214.20, 214.23, 214.24, 214.26 à 214.28)
  • Pratiques de commerce (art. 219 à 228.2, 229 à 239, 242 à 248, 250 à 251.2)
  • Sommes transférées en fiducie (art. 254 à 258)
  • Administration des sommes perçues en matière de garantie supplémentaire (art. 260.7 à 260.10, 260.12, 260.13, 260.21 et 260.22)

Amende minimale : 2 500 $ dans le cas d’une personne physique, et 5 000 $ dans les autres cas (personne morale);

Amende maximale : le plus élevé des montants suivants :

  • 62 500 $ dans le cas d’une personne physique et 125 000 $ dans les autres cas (personne morale); ou
  • un montant équivalent à 5 % du chiffre d’affaires mondial de l’exercice financier précédent (dans le cas d’une personne morale).

Contactez les auteurs

Si vous avez des questions concernant le contenu de ce bulletin, nous vous invitons à communiquer avec les auteurs.

Contactez les auteurs

Auteurs

  • Noah Boudreau, Associé, Montréal, QC, +1 514 394 4521, nboudreau@fasken.com
  • Nicolas-Karl Perrault, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 5256, nperrault@fasken.com
  • Camille Peltier, Avocate, Montréal, QC, +1 514 397 7442, cpeltier@fasken.com

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