Le Canada est en passe de devenir un leader international dans la production et l’utilisation d’hydrogène propre afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de remplacer sa dépendance à l’égard des énergies fossiles à forte intensité de carbone. La stratégie du Canada pour exploiter ce potentiel de leadership consiste à tirer parti des avantages naturels du pays en ce qui concerne les matières premières et la géologie qui sont nécessaires pour produire de l’hydrogène abondant, propre et à faible teneur en carbone, tout en tirant profit de son expertise établie en matière de technologies et de systèmes d’utilisation finale de l’hydrogène.
Or, si la voie vers la production à grande échelle d’hydrogène propre pour l’utilisation nationale et l’exportation est sans doute de plus en plus évidente au Canada, la voie vers l’identification et le développement des marchés intérieurs d’utilisation finale de l’hydrogène demeure obscure. Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral s’est contenté de modestes crédits d’impôt et d’un financement direct limité pour promouvoir l’adoption des utilisations finales de l’hydrogène. Plusieurs pays en Europe et en Asie (et les États-Unis également), en revanche, prennent des mesures plus vigoureuses par le biais d’investissements publics et privés et de subventions directes qui encouragent l’utilisation nationale de l’hydrogène et soutiennent le déploiement de leurs propres innovations dans le domaine de l’hydrogène et de ses applications sur le marché des utilisations finales.
Dans ce contexte, que signifie le leadership canadien en matière d’hydrogène? Et comment le Canada réalisera-t-il pleinement les avantages de ce leadership dans le domaine de l’hydrogène?
Le présent bulletin fournit un aperçu d’une politique canadienne émergente et d’un cadre de programme pour l’hydrogène, qui comprend la Stratégie canadienne pour l’hydrogène en cours d’élaboration pour soutenir les aspirations de leadership du Canada[1]. Suivant le principe selon lequel toute transition énergétique majeure est motivée par la demande des consommateurs ainsi que par l’utilité et l’omniprésence des technologies d’utilisation finale, ce bulletin présente en conclusion les applications d’utilisation finale de l’hydrogène propre les plus prometteuses et les plus susceptibles de favoriser l’adoption rapide des technologies de l’hydrogène au Canada afin de catalyser la création de marchés nationaux de l’hydrogène, et d’aider à réaliser le potentiel du Canada en matière de leadership mondial dans le domaine de l’hydrogène.
Stratégie canadienne pour l’hydrogène
L’hydrogène est appelé à jouer un rôle clé dans la transition vers une énergie propre. Le Canada a la possibilité de jouer un rôle de premier plan, compte tenu de la taille de sa population et de son économie, dans cette révolution mondiale de l’hydrogène. Afin de tracer une voie qui, espère-t-on, garantira le statut de leader du Canada, et à l’instar de nombreux autres gouvernements nationaux dans le monde, le gouvernement fédéral a lancé la Stratégie canadienne pour l’hydrogène en décembre 2020. Cette stratégie a été présentée comme un « appel à l’action » pour « saisir les possibilités pour l’hydrogène » au Canada. Comptant plus de 100 pages, la stratégie est vaste et détaillée, mais les principales possibilités identifiées peuvent être résumées en deux catégories principales : 1) tirer parti de la capacité du Canada à produire et à distribuer de l’hydrogène propre (offre); et 2) tirer parti de l’expertise et de l’ingéniosité canadiennes pour développer de nouvelles applications et technologies d’utilisation finale de l’hydrogène afin de remplacer notre dépendance (et celle du monde) à l’égard des combustibles à forte teneur en carbone (demande).
Selon la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, le développement réussi de l’offre et de la demande d’hydrogène propre entraînera la création d’environ 350 000 emplois dans le secteur « vert » et des recettes directes de plus de 50 milliards de dollars par an pour les entreprises canadiennes d’ici 2050. Les principales raisons de cet optimisme sont deux avantages naturels uniques dont le Canada dispose par rapport à la plupart des autres pays.
Premièrement, le Canada est riche en ressources nécessaires à la production d’hydrogène propre. Le Canada dispose d’une eau douce abondante et d’une électricité à faible teneur en carbone provenant de l’hydroélectricité, de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire et de l’énergie nucléaire, qui peut soutenir la production d’hydrogène à faible teneur en carbone. Le Canada dispose également d’abondantes réserves de combustibles fossiles et est doté d’une géologie qui peut permettre un captage et un stockage importants du carbone, essentiels à la production d’hydrogène « bleu » à faible teneur en carbone.
Deuxièmement, le Canada a une longue expérience et a développé une expertise dans les systèmes et les technologies de l’hydrogène, et c’est là que se trouvent certaines des entreprises les plus importantes au monde dans le domaine de l’hydrogène et des piles à combustible. Le Canada a été un chef de file dans la production de piles à combustible normalisées pour les véhicules grâce à une collaboration à Vancouver. Aujourd’hui, plus de la moitié des autobus à pile à combustible en service dans le monde utilisent la technologie des piles à combustible mise au point au Canada. Les trains à hydrogène en service en Allemagne sont équipés de groupes motopropulseurs à pile à combustible fabriqués au Canada.
Avec le lancement de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, le gouvernement fédéral va de l’avant avec le développement et l’annonce d’une série d’initiatives en matière d’hydrogène et de technologies propres destinées à stimuler les investissements dans la production d’hydrogène propre et l’adoption de technologies et de systèmes d’utilisation finale de l’hydrogène.
Soutenir la production d’hydrogène propre
Pour stimuler l’investissement et la croissance au Canada dans le domaine de la production d’hydrogène propre, le gouvernement fédéral a pris plusieurs mesures.
L’initiative Accélérateur net zéro (ANZ) est une initiative de 8 milliards de dollars qui soutient des projets permettant la décarbonisation des secteurs à fortes émissions, les technologies propres et la transformation industrielle.
Le Fonds pour les carburants propres est un fonds de 1,5 milliard de dollars créé en 2021 pour réduire les risques liés aux investissements nécessaires à la construction de nouvelles installations de production de carburants propres ou à l’agrandissement d’installations existantes, y compris les conversions d’installations. Le Fonds pour les carburants propres couvre de nombreux carburants renouvelables, tels que les biocarburants avancés et les carburants durables pour l’aviation, mais il inclut également dans son mandat le soutien aux projets d’hydrogène propre.
Budget fédéral de 2023
Plus récemment, le gouvernement du Canada a instauré trois crédits d’impôt destinés à encourager la transition vers une économie nette zéro dans son budget de 2023. Le crédit d’impôt à l’investissement dans l’hydrogène propre est le plus directement pertinent pour l’hydrogène. Il s’agit d’un crédit d’impôt remboursable qui encourage la production d’hydrogène propre, avec des crédits allant de 15 % à 40 % en fonction de l’intensité en carbone de l’hydrogène.
Ce crédit d’impôt peut être utilisé pour compenser les coûts d’achat et de mise en place d’équipements admissibles pour des projets qui produisent de l’hydrogène par électrolyse ou à partir de gaz naturel. Toutefois, si le gaz naturel est utilisé, les émissions doivent être réduites par le captage, l’utilisation et le stockage du carbone.
Le taux de crédit d’impôt disponible varie en fonction de l’intensité en carbone de l’hydrogène produit :
- la production d'hydrogène dont les émissions prévues au cours de l’ensemble du cycle de vie sont inférieures à 0,75 kg d’équivalent dioxyde de carbone (équivalent CO2) par kilogramme d’hydrogène produit peut bénéficier d’un taux de crédit d’impôt de 40 %;
- dans la fourchette de 0,75 kg à 2 kg d’équivalent CO2 par kilogramme, la production est admissible à un taux de crédit d’impôt de 25 %;
- dans la fourchette de 2 kg à 4 kg d’équivalent CO2 par kilogramme, la production peut bénéficier d’un taux de crédit d’impôt de 15 %.
En outre, l’admissibilité à l’intégralité du taux de crédit d’impôt à l’investissement dans l’hydrogène propre disponible en fonction de l’intensité en carbone d’un projet particulier dépendra de l’adhésion du projet à certaines exigences prescrites en matière de main-d’œuvre. Plus précisément, une organisation doit :
- verser aux employés le salaire en vigueur dans leur province ou territoire (sur la base de la rémunération syndicale, des conventions collectives applicables ou des accords de travail correspondants);
- veiller à ce qu’au moins 10 % des heures travaillées soient effectuées par des apprentis inscrits dans les métiers désignés Sceau rouge.
Les organisations qui ne remplissent pas ces conditions peuvent toujours demander des crédits d’impôt dans le cadre du programme, mais pas au taux maximum.
L’instauration de ces crédits d’impôt qui soutiennent la production d’hydrogène propre au Canada fait suite à la loi américaine sur la réduction de l’inflation (l’« IRA ») promulguée par l’administration Biden en 2022, qui a créé un généreux crédit d’impôt pour la production d’hydrogène propre afin d’encourager la production d’hydrogène propre aux États-Unis, parmi d’autres mesures incitatives. Grâce à l’IRA, les États-Unis sont désormais un concurrent majeur du Canada pour l’approvisionnement des marchés mondiaux de l’hydrogène.
Exporter de l’hydrogène propre
La Russie, qui possède les plus grandes réserves prouvées de gaz naturel au monde, a utilisé l’approvisionnement énergétique de l’Europe comme levier pour soutenir son invasion de l’Ukraine. Par conséquent, le Canada et ses partenaires de l’OTAN ont travaillé ensemble pour réduire la dépendance de l’Occident à l’égard des importations de pétrole et de gaz russes et utiliser cette perturbation comme un accélérateur pour l’adoption d’une énergie propre provenant de sources fiables.
C’est dans ce contexte que le Canada et l’Allemagne ont annoncé, en août 2022, une déclaration d’intention commune concernant l’exportation d’hydrogène canadien propre vers l’Allemagne. Grâce à cette collaboration bilatérale, les premières livraisons d’hydrogène devraient arriver en Allemagne d’ici 2025.
Le Canada a déjà signé un protocole d’entente avec le gouvernement des Pays-Bas en 2021 afin de promouvoir conjointement l’investissement dans des projets d’hydrogène propre et de collaborer à la mise en place de corridors d’exportation et d’importation d’hydrogène propre entre le Canada et les Pays-Bas en tant que porte d’entrée vers l’Europe.
Plus récemment, la commissaire européenne Ursula von der Leyen a déclaré, lors d’une visite au Canada en mars 2023, que l’UE souhaitait acheter de l’hydrogène au Canada et considérait ce dernier comme un « partenaire potentiel de premier plan ».
Au-delà de l’Europe, l’hydrogène canadien bénéficie d’une demande soutenue de la part de l’Asie, puisqu’il a été récemment rapporté que le groupe ATCO, basé à Calgary, est en pourparlers avancés avec la compagnie d’électricité japonaise Kansai Electric Power pour expédier de l’hydrogène de la côte ouest du Canada vers le Japon.
Ces initiatives représentent des étapes importantes dans le projet du Canada de devenir un exportateur d’hydrogène de premier plan à l’échelle mondiale, comme le décrit la Stratégie canadienne pour l’hydrogène.
Soutenir l’adoption des technologies propres de l’hydrogène
Selon la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, la demande mondiale d’hydrogène propre augmente à un rythme qui devrait être multiplié par dix d’ici à 2050. Bien que le Canada soit bien placé pour tirer parti de cette croissance par l’exportation, il est reconnu que la création de marchés intérieurs canadiens pour l’utilisation de l’hydrogène « doit être le fer de lance ».
Les changements majeurs apportés aux systèmes énergétiques sont motivés par la demande des consommateurs, et cette demande est déterminée par l’utilité et l’omniprésence des technologies d’utilisation finale. Pour favoriser la transition énergétique, la société doit s’attacher à soutenir les nouvelles technologies d’utilisation finale par le biais d’investissements publics, d’incitations politiques et de nouveaux modes d’utilisation de ces technologies.
Plusieurs initiatives fédérales ont été lancées pour soutenir l’adoption de technologies et de systèmes d’utilisation finale de l’hydrogène.
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre est la pierre angulaire de la législation du gouvernement fédéral sur le changement climatique, établissant un prix national sur le carbone, ce qui stimule la demande de sources de carburant sans carbone telles que l’hydrogène.
Le Plan 2030 de réduction des émissions a fixé comme objectif que 35 % des ventes totales de véhicules moyens et lourds soient des véhicules à zéro émission d’ici à 2030, ce qui crée une occasion stratégique importante pour les fabricants de véhicules moyens et lourds alimentés par des piles à hydrogène.
Le budget fédéral de 2022 contenait les mesures suivantes pour encourager l’utilisation de l’hydrogène :
- 547,5 millions de dollars sur quatre ans pour permettre à Transports Canada de lancer un programme d’incitation à l’achat de véhicules zéro émission;
- 500 millions de dollars seront investis par la Banque canadienne d’infrastructure pour améliorer l’infrastructure de recharge et de ravitaillement des véhicules zéro émission (y compris les stations de ravitaillement en hydrogène);
- 33,8 millions de dollars sur cinq ans pour permettre à Transports Canada de collaborer avec les provinces et les territoires afin d’élaborer et d’harmoniser les réglementations et d’effectuer des essais de sécurité pour le camionnage longue distance sans émissions.
Le gouvernement fédéral a également fourni des indications supplémentaires dans le budget fédéral de 2023 concernant le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres annoncé dans l’exposé économique de l’automne 2022. Ce crédit d’impôt est pertinent pour l’hydrogène, car la liste des biens admissibles comprend les véhicules industriels à zéro émission et l’équipement de charge ou de ravitaillement connexe, y compris les camions lourds à hydrogène.
Le budget prévoit que le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres est égal à 30 % du coût des biens admissibles qui sont acquis et deviennent utilisables à partir du 28 mars 2023 et avant 2035. Le taux du crédit d’impôt tombera à 15 % en 2034 et sera supprimé en 2035.
Enfin, le gouvernement fédéral instaure un nouveau crédit d’impôt à l’investissement remboursable de 30 % pour la fabrication et la transformation de technologies propres. Le crédit d’impôt à l’investissement pour la fabrication de technologies propres est disponible pour le coût en capital des biens admissibles associés à certaines activités de fabrication et de transformation.
Les activités admissibles à ce crédit d’impôt qui vous intéressent sont les suivantes :
- la fabrication de véhicules à zéro émission, y compris la conversion de véhicules routiers;
- la fabrication de batteries, de piles à combustible, de systèmes de recharge et de stations de ravitaillement en hydrogène pour les véhicules à émission zéro;
- la fabrication d’équipements utilisés pour produire de l’hydrogène par électrolyse.
Tirer parti du leadership canadien dans le domaine de la technologie de l’hydrogène
Il est difficile d’évaluer le potentiel de l’hydrogène en tant que carburant propre qui aidera le Canada à atteindre ses objectifs de décarbonisation, en partie parce que l’hydrogène peut être appliqué à diverses utilisations finales qui sont à des stades variables de développement technologique, mais aussi parce que les déploiements commerciaux n’en sont qu’à un stade embryonnaire de préparation du marché.
Contrairement à la plupart des carburants qui ne sont utilisés que dans deux ou trois applications distinctes, l’hydrogène peut se substituer à de nombreux carburants – diesel, essence, gaz naturel et kérosène. Cette polyvalence souligne la promesse de l’hydrogène pour la décarbonisation de l’économie canadienne, mais elle pose également le défi fondamental de savoir où et comment commencer.
Voici la liste des cinq applications finales les plus prometteuses qui pourraient contribuer à catalyser la demande initiale de production d’hydrogène propre au Canada, tout en préservant le leadership expérimental canadien dans les technologies d’utilisation finale de l’hydrogène, en développant et en incorporant l’intégration et le savoir-faire des systèmes, le développement des compétences et la formation dans les nouveaux marchés commerciaux émergents de l’hydrogène.
Comme tout palmarès, cette liste comporte une part de subjectivité. Mais la base de cette liste est un examen de la faisabilité technique et économique, ainsi que de la disponibilité d’autres voies de décarbonisation qui peuvent être plus attrayantes que l’hydrogène pour une adoption rapide sur le marché.
Les principales applications finales de l’hydrogène propre en vue d’une adoption rapide au Canada
- Générateurs mobiles alimentés à l’hydrogène propre pour décarboniser la production cinématographique et télévisuelle, ainsi que les chantiers de construction
Le Canada dispose d’une industrie de production cinématographique et télévisuelle solide et en pleine croissance d’un océan à l’autre, avec notamment des centres de production à Vancouver, Toronto, Montréal, Calgary et Halifax. Les grands studios et les sociétés de production se sont tous engagés à réduire considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre dans les années à venir. Aujourd’hui, les productions canadiennes, comme celles d’Hollywood et du monde entier, dépendent souvent de centrales électriques mobiles alimentées au diesel à forte intensité d’émission de gaz à effet de serre pour fournir de l’électricité sur place.
L’hydrogène est une solution pratique pour éliminer les émissions des productions cinématographiques et télévisuelles. Bien que l’hydrogène soit légèrement plus cher que le diesel, le coût supplémentaire total de la production d’énergie est extrêmement faible par rapport aux budgets de production. Les systèmes à hydrogène peuvent fournir plus d’énergie à un coût inférieur à celui des systèmes à batterie lorsque la demande d’énergie est relativement élevée (par exemple, >80 kW, >1 500 kWh/jour). La production d’énergie à partir d’hydrogène est propre, silencieuse et exempte d’émissions de carbone, autant d’attributs recherchés par les vedettes et le public.
Dans le secteur de la construction, de nombreux projets de grande envergure nécessitent une alimentation électrique sur site dans un délai ou pour une durée qui rend peu pratique ou impossible la connexion du site au réseau électrique. La plupart des projets de construction s’appuient sur la production d’énergie mobile au diesel pour alimenter les sites isolés, le long des autoroutes et même dans les villes.
Pour être utiles, les groupes électrogènes à hydrogène doivent fournir un niveau de puissance approprié (150 à 500 kW) et être équipés de commandes conviviales et d’interfaces adaptées. En outre, l’hydrogène doit être conditionné de manière à être suffisamment compact pour être facilement localisé et déplacé sur le chantier, tout en fournissant suffisamment d’énergie pour une journée entière.
Ces configurations d’équipement et ces options d’approvisionnement ne sont pas actuellement proposées de manière commerciale, mais elles pourraient l’être. Comme pour la production cinématographique et télévisuelle, l’hydrogène offre une solution pratique pour réduire de manière significative les émissions sur les chantiers de construction, avec une mise en place à grande échelle pouvant intervenir dans les 3 à 7 ans.
- Chariots élévateurs à hydrogène propre pour la manutention dans les entrepôts
Au Canada, de nombreux entrepôts et autres installations ayant des besoins importants en matière de manutention doivent être situés à l’intérieur afin d’être protégés des intempéries ou d’assurer la propreté. Bon nombre de ces installations utilisent des chariots élévateurs électriques à batterie, mais cette solution n’est souvent pas pratique pour les grandes opérations en raison des problèmes de performance du cycle d’utilisation, des problèmes d’alimentation du réseau et des problèmes d’espace et de procédure de recharge.
Bien que les technologies fondamentales nécessaires existent, de nombreux sites disposant de flottes de taille moyenne (de 10 à 30 camions) fonctionnant en trois équipes par jour sont trop petits pour justifier l’investissement dans la production d’hydrogène sur site et de nombreux autres ne disposent pas de l’espace nécessaire pour accueillir de grandes remorques tubulaires d’hydrogène gazeux. Bien que l’énergie de l’hydrogène soit plus chère que l’essence et le propane, le coût supplémentaire total du carburant est relativement faible par rapport aux budgets d’exploitation. Les systèmes à hydrogène peuvent fournir des niveaux de puissance constants sur l’ensemble du cycle de fonctionnement (par rapport aux systèmes à base de batteries), et le ravitaillement est rapide. La production d’énergie à partir d’hydrogène est propre, silencieuse et exempte d’émissions de carbone.
Des chariots élévateurs à hydrogène sont déjà utilisés au Canada, mais leur déploiement reste limité. Des systèmes de livraison et de ravitaillement correctement dimensionnés et configurés sont actuellement en phase de développement avancé et devraient être prêts pour un déploiement accéléré au Canada avant la fin de l’année 2024. Une mise en place à grande échelle peut avoir lieu dans un délai de 3 à 7 ans.
- Locomotives de manœuvre routière fonctionnant à l’hydrogène propre
La grande majorité des locomotives de fret et de passagers en Amérique du Nord utilisent déjà des moteurs électriques pour la propulsion, et l’électricité est générée à bord par des générateurs alimentés au diesel. Le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) est en train de convertir plusieurs de ses locomotives pour qu’elles fonctionnent à l’hydrogène, un carburant propre et sans émissions, en remplaçant le générateur diesel par des piles à combustible et en remplaçant les réservoirs de carburant diesel par des cylindres qui transportent de l’hydrogène comprimé à bord. Les premières locomotives converties par le CP sont des locomotives de manœuvre, couramment utilisées pour déplacer les wagons entre les gares de triage d’une même région. En commençant par un service régional à Edmonton et à Calgary (et entre ces deux villes), le CP sera en mesure de ravitailler ses locomotives converties dans ses propres gares de triage en Alberta.
La sécurité est primordiale dans l’industrie ferroviaire nord-américaine, ce qui signifie que les innovations technologiques transformatrices peuvent prendre du temps à être pleinement intégrées. Toutefois, le cadre réglementaire canadien en matière de sécurité ferroviaire s’adapte aux avancées technologiques par le biais d’essais, ce qui constitue un avantage pour les entreprises ferroviaires canadiennes qui souhaitent s’orienter vers un avenir de transport à faible émission de carbone sous la direction du Canada.
Le programme de locomotives à hydrogène du CP pourra permettre d’acquérir une expérience de base en matière de conversion à l’hydrogène, laquelle pourra favoriser l’adaptation aux milliers de locomotives de fret actuellement en service en Amérique du Nord. Ce programme établira ainsi une voie menant vers la décarbonisation qui soit réalisable sur le plan opérationnel. Il établira également un réseau initial de stations de ravitaillement qui pourrait s’étendre aux chemins de fer canadiens.
Les trains de banlieue circulent généralement dans une région limitée, le long d’itinéraires définis, ce qui facilite le ravitaillement en hydrogène, puisque les stations de stockage et de distribution peuvent être situées à des endroits stratégiques, et qu’elles sont détenues et exploitées par l’autorité de transport ferroviaire. Le premier train de banlieue alimenté par de l’hydrogène a été mis en service en Allemagne en 2019. Son succès motive une vague d’achats de trains à hydrogène (ou « hydrails ») par des autorités de transport de banlieue dans le monde entier.
En l’espace de 2 à 3 ans seulement, la croissance du transport ferroviaire de marchandises et de passagers à l’hydrogène pourrait être amorcée. Une mise en place à grande échelle peut avoir lieu dans les 5 à 10 ans.
- Camions de manutention de conteneurs portuaires fonctionnant à l’hydrogène propre
Les installations portuaires (y compris les installations maritimes, aéroportuaires et ferroviaires) utilisent un nombre important de véhicules lourds qui restent sur place pour déplacer les marchandises et les conteneurs d’expédition d’un quai à l’autre 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Bon nombre de ces installations utilisent des camions diesel fonctionnant selon un cycle d’utilisation agressif (arrêt/démarrage, montée en puissance, ralenti) qui est relativement inefficace en plus de produire des niveaux significatifs d’émissions.
Plusieurs facteurs rendent ce marché spécifique intéressant pour l’hydrogène. Le développement de chaînes d’approvisionnement de taille et de configuration appropriées créera des options d’approvisionnement en hydrogène et réduira les coûts. Bien que l’hydrogène soit plus cher que le diesel, le coût total du carburant est relativement faible par rapport aux budgets d’exploitation des ports.
Des plates-formes de camions lourds à hydrogène ont fait l’objet de démonstrations dans des applications de transport de conteneurs, notamment dans les installations de fret à émissions nulles ou quasi nulles du port de Los Angeles. D’autres camions lourds à hydrogène sont en cours de développement pour d’autres applications et devraient être prêts à être utilisés au Canada d’ici deux à trois ans. Des systèmes de production, de livraison et de ravitaillement en hydrogène correctement dimensionnés et configurés sont en cours de développement et devraient être prêts pour un déploiement initial au Canada avant la fin de 2026. La mise en place à grande échelle peut avoir lieu dans les 5 à 10 ans.
- De l’hydrogène propre à l’électricité pour rendre les communautés isolées et autochtones plus vertes
La plupart des communautés isolées du Canada abritent des populations autochtones. Ces communautés éloignées qui ne sont pas desservies par le réseau électrique, ou qui ne le sont que partiellement, sont souvent tributaires de gros générateurs d’électricité alimentés au diesel, dont l’exploitation est à la fois coûteuse et polluante. Les moteurs à combustion ou les piles à combustible alimentés à l’hydrogène peuvent constituer une alternative à faible émission de carbone, en particulier si l’énergie renouvelable locale est utilisée pour produire l’hydrogène. En effet, la production d’hydrogène peut stocker d’importants volumes d’énergie renouvelable provenant de projets éoliens, solaires et hydroélectriques locaux, améliorant ainsi la résilience et la performance économique globale et permettant aux communautés et entreprises autochtones de devenir des producteurs et distributeurs d’hydrogène propre pour les communautés voisines et d’autres industries éloignées telles que l’exploitation minière et forestière. Avec des consultations efficaces, un financement public et la volonté politique nécessaire, le déploiement des technologies de l’hydrogène propre dans les communautés canadiennes éloignées et autochtones peut avoir lieu dans les 3 à 5 prochaines années.
Mentions honorables – Autres applications finales de l’hydrogène en vue d’une adoption rapide au Canada
- Véhicules de livraison alimentés à l’hydrogène propre pour le retour à la base des véhicules moyens et lourds (classe 4-6)
Le succès rapide des projets pilotes axés sur les camions de manœuvre pour le transport de conteneurs dans les ports contribue à démontrer le bien-fondé de l’utilisation de l’hydrogène dans les véhicules de grande taille. Il est plus difficile d’électrifier les camions de poids moyen et lourd à l’aide de batteries rechargeables, car la taille et la masse des batteries entrent en concurrence avec la capacité de charge utile disponible du camion. Cela peut réduire le potentiel de génération de revenus d’un parc de véhicules de livraison. L’hydrogène, en revanche, est une forme plus légère et plus dense d’énergie stockée à bord. Les groupes motopropulseurs électriques à pile à combustible constituent donc une alternative intéressante. En outre, les flottes de véhicules de livraison qui retournent à leur base peuvent être ravitaillées à une seule station de distribution d’hydrogène adaptée. Une solution de parc automobile à l’hydrogène dans la zone clôturée peut donc contribuer à atteindre les objectifs de décarbonisation et d’émission zéro de nombreux parcs automobiles commerciaux d’une manière rapide, pratique et indépendante de toute contrainte liée à l’alimentation électrique du réseau local.
- Autobus de transport en commun fonctionnant à l’hydrogène propre
Les autobus de transport en commun constituent une application idéale pour les systèmes à hydrogène. En raison de leur taille, ils peuvent accueillir des réservoirs d’hydrogène plus grands que ceux de la plupart des autres types de véhicules. Cet espace supplémentaire permet de stocker l’hydrogène à une pression plus basse, ce qui réduit les coûts de ravitaillement. Le mode d’exploitation des autobus urbains, avec retour à la base, facilite également le ravitaillement programmé dans les dépôts, dont l’efficacité permet de réduire encore les coûts de ravitaillement. Le potentiel de ravitaillement rapide de l’hydrogène rend les autobus électriques à pile à combustible plus évolutif pour les grandes flottes, avec des coûts d’infrastructure moindres par rapport aux flottes d’autobus électriques à batterie rechargeable.
- Véhicules de transport fonctionnant à l’hydrogène propre pour l’exploitation minière et l’extraction des ressources
Les roues des gros camions miniers sont souvent entraînées par des moteurs électriques, et cette électricité est généralement produite à bord par des générateurs diesel. AngloAmerican fait actuellement la démonstration de l’utilisation de piles à combustible à hydrogène pour produire de l’électricité à bord, offrant ainsi une solution sans diesel pour les camions miniers. Les transporteurs routiers de minerais peuvent également être alimentés par l’hydrogène, en utilisant les mêmes groupes motopropulseurs à pile à combustible que ceux démontrés par de nombreux fabricants de semi-remorques de classe 8.
- De l’hydrogène propre pour décarboniser la production d’acier
Le charbon est traditionnellement utilisé pour réduire le minerai de fer en fer pur (appelé « minerai de fer préréduit » ou DRI), qui est ensuite utilisé pour fabriquer de l’acier. Le carbone du charbon se lie à l’oxygène du minerai de fer, libérant du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. L’hydrogène peut également servir d’agent de réduction directe, qui élimine les émissions de dioxyde de carbone du charbon consommé, ne laissant que des émissions d’eau à la place. La chaleur produite par la combustion de l’hydrogène peut également être utilisée dans certaines parties du processus de fabrication de l’acier pour remplacer le charbon et, dans certains cas, le gaz naturel, par exemple dans les hauts fourneaux des aciéries intégrées.
- De l’hydrogène propre pour décarboniser la fabrication et l’exploitation du ciment
Les cimenteries sont établies autour des sources d’approvisionnement en eau et en électricité, et le processus de fabrication du ciment génère également une quantité importante de chaleur résiduelle. Ces ressources peuvent alimenter l’électrolyse de l’eau, qui produit de l’oxygène et de l’hydrogène purs. L’oxygène pur peut être utilisé dans un processus d’oxycombustion pour générer une chaleur supplémentaire qui améliore l’efficacité du captage du carbone dans les gaz de combustion de l’usine, ce qui peut réduire le coût global de la décarbonisation de la production de ciment. Potentiellement, l’utilisation d’oxygène pur au lieu de l’air (qui ne contient qu’un cinquième d’oxygène) pour la combustion du combustible pourrait également réduire le volume de gaz circulant dans le système, ce qui réduirait encore le coût de la production de ciment. L’hydrogène issu de l’électrolyse peut être utilisé comme carburant alternatif pour les opérations de la cimenterie, notamment pour remplacer le diesel utilisé par les camions de ciment et les camions de béton prêt à l’emploi.
- Véhicules légers à hydrogène propre pour le déploiement de flottes (taxis, livraisons commerciales, covoiturage)
La recharge des batteries des véhicules électriques prend du temps et peut solliciter de manière significative le réseau local de distribution d’électricité. Certains véhicules légers fonctionnent toute la journée et tous les jours, par exemple pour offrir des services de taxi, de limousine ou de covoiturage. Or, il n’est pas toujours pratique de retirer les véhicules électriques du service pour les recharger. Le ravitaillement en hydrogène peut prendre moins de cinq minutes et offrir une autonomie de plus de 500 km avant le prochain ravitaillement pour un véhicule électrique à pile à combustible typique.
Les modèles de véhicules électriques à pile à combustible peuvent donc permettre d’électrifier les flottes de véhicules légers en service commercial et d’obtenir ainsi des performances zéro émission.
- De l’hydrogène propre pour la production de carburant synthétique destiné à l’industrie aéronautique
L’hydrogène est couramment utilisé dans la production de carburants pétrochimiques et de carburants synthétiques. L’utilisation d’hydrogène produit à partir de matières premières à faible teneur en carbone permet de réduire considérablement l’intensité carbonique des carburants conventionnels et synthétiques. En effet, certains procédés de production de carburants synthétiques peuvent s’appuyer sur de l’hydrogène à faible teneur en carbone ainsi que sur le carbone capturé dans les flux d’émissions industrielles de dioxyde de carbone pour produire des carburants liquides à base d’hydrocarbures qui sont fonctionnellement équivalents aux carburants pétrochimiques, mais qui approchent des niveaux d’intensité de carbone net zéro.
Le carburant d’aviation durable (souvent appelé SAF pour sustainable aviation fuel) est un exemple de carburant synthétique fabriqué à partir d’hydrogène à faible teneur en carbone. Sous forme liquide, le SAF conserve la densité énergétique du carburéacteur conventionnel et peut être mélangé aux réserves de carburant d’aviation, ce qui permet de décarboniser le transport aérien avec une commodité optimale.
- De l’hydrogène propre pour la production d’ammoniac et d’engrais
Pour subvenir aux besoins d’une population de 9,7 milliards d’habitants d’ici 2050, selon les estimations des Nations unies, la production agricole devra augmenter de 70 % au cours des trois prochaines décennies. Cette tendance entraînera une augmentation spectaculaire de la demande mondiale d’engrais et d’ammoniac.
Le Canada est le troisième producteur mondial d’engrais primaires, grâce à la puissance de ses installations de production de potasse et d’azote. Le Canada se classe parmi les dix premiers pays producteurs d’ammoniac utilisé pour fabriquer des engrais azotés. La méthode traditionnelle de production de l’ammoniac consiste à extraire l’hydrogène du gaz naturel et à le combiner sous pression avec l’azote de l’air pour produire de l’ammoniac. Ce processus génère toutefois d’importantes émissions de gaz à effet de serre.
L’utilisation d’hydrogène propre pour décarboniser la production d’ammoniac et le processus de fabrication d’engrais contribuera à réduire l’empreinte carbone de la production alimentaire et de l’agriculture au Canada.
[1] Ce bulletin est axé sur les initiatives, les politiques et les programmes fédéraux. Il existe une liste croissante de programmes provinciaux en cours d’élaboration et de déploiement pour soutenir la production et l’adoption de l’hydrogène propre, qui dépassent le cadre de ce bulletin, mais qui seront traités dans les publications de Fasken à venir.