La Cour fédérale a récemment rendu sa décision dans l’affaire Doan v. Clearview Inc, 2023 FC 1612 où elle a établi une distinction entre une situation où il n’y a aucun fondement factuel permettant de prouver que deux membres ou plus du groupe d’une action collective peuvent être identifiés aux fins de l’autorisation de l’action collective et une situation où il est simplement difficile d’identifier les membres du groupe. Fait important, dans cette affaire, une société aurait utilisé des photographies publiquement accessibles en ligne pour faciliter l’utilisation de sa technologie, une pratique qui pourrait devenir plus courante vu la présence croissante de l’intelligence artificielle (« IA ») dans tous les aspects de la vie quotidienne. Poursuivez votre lecture pour en apprendre davantage sur comment cette décision de la Cour fédérale pourrait avoir des effets durables sur la capacité des demandeurs individuels à convertir en actions collectives des actions intentées à l’égard de sociétés utilisant l’IA.
Contexte
L’affaire a commencé lorsque la demanderesse a intenté une action contre la défenderesse, une société établie aux États-Unis qui offre des services de reconnaissance faciale et d’identification au moyen des données de reconnaissance faciale. La demanderesse alléguait que la défenderesse avait recueilli, copié, stocké, utilisé et, dans certains cas, divulgué sans son consentement des photographies accessibles au public trouvées sur Internet. Les passages des actes de procédure relatifs à la protection de la vie privée ont été radiés, de sorte que la poursuite s’est finalement résumée à une action pour violation du droit d’auteur.
Cette décision découle du fait que la demanderesse a tenté d’obtenir une ordonnance pour passer de l’action individuelle à l’action collective. À cette fin, elle a présenté des documents montrant que la défenderesse avait utilisé les photographies d’autres personnes de la même façon que les siennes.
Analyse de la Cour
La Cour a axé son analyse sur la question de savoir s’il existait un groupe identifiable de deux personnes ou plus. Elle a conclu que la preuve n’était pas suffisante pour démontrer que la défenderesse pouvait réellement identifier les personnes sur les photographies ou que ces personnes pouvaient s’y reconnaître elles-mêmes pour permettre d’établir l’existence d’un groupe de deux personnes ou plus.
La Cour a clairement indiqué qu’il n’était en fait pas nécessaire d’identifier tous les membres du groupe à ce stade du processus et que le degré de difficulté imposé à la défenderesse pour obtenir les renseignements recherchés n’était pas pertinent. Toutefois, cette situation posait un problème plus que difficile parce que la défenderesse ne disposait tout simplement pas suffisamment de renseignements pour identifier les membres du groupe à partir des photographies. La défenderesse avait besoin des données relatives aux droits d’auteur et à la localisation des photographies, données qui, dans les faits, ne lui étaient pas accessibles.
La demanderesse a également suggéré que les gens soient en mesure de demander à la défenderesse un rapport sur eux-mêmes ou sur d’autres personnes afin de savoir s’ils se qualifiaient comme membres du groupe. Cette suggestion était aussi incompatible avec les capacités de la défenderesse, mais, plus important encore, la Cour a souligné que cela transformerait de façon inacceptable le régime d’action collective avec option de retrait de la Cour fédérale en un régime avec option de participation.
La Cour a finalement conclu que le groupe pouvait exister dans l’abstrait, mais que la demanderesse n’avait pas réussi à établir la possibilité que les membres du groupe pourraient être identifiés aujourd’hui ou ultérieurement. Par conséquent, la demande d’autorisation visant l’action collective n’a pas été accueillie.
Points à retenir
Voilà une décision qui pourrait être utile pour l’avenir des affaires liées à l’entraînement de l’IA, dans la mesure où elle confirme qu’en l’absence de preuve relative à la possibilité d’identifier les membres du groupe, une instance ne peut pas être transformée en action collective. La présente affaire porte plus particulièrement sur des photographies qui pourraient être utilisées pour aider la technologie d’une manière semblable à celle de bon nombre de systèmes d’IA utilisés actuellement et qui continueront d’être utilisés. Cette décision pourrait limiter la capacité des demandeurs individuels de convertir en actions collectives des actions qui les concernent eux-mêmes ainsi que d’autres personnes non identifiées, si la technologie d’IA utilisant le matériel protégé par droit d’auteur n’est pas suffisamment avancée pour identifier les propriétaires des œuvres ou des sujets des photographies utilisées. La question se pose donc de savoir si les programmeurs en IA pourraient ou devraient tenter de créer des mesures de protection leur permettant de mieux identifier les renseignements relatifs aux œuvres que leur technologie utilise.