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Re Cormark Securities : le Tribunal des marchés financiers de l’Ontario donne de nouvelles indications d’importance aux investisseurs avertis des marchés publics et aux courtiers en placement

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Bulletin marchés des capitaux et fusions et acquisitions

Dans une décision importante pour les participants avertis aux marchés financiers canadiens, y compris les courtiers en placement et leurs clients, le Tribunal des marchés financiers de l’Ontario (le « TMF ») a rejeté toutes les allégations d’actes répréhensibles formulées par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») contre Valeurs mobilières Cormark Inc. (« Cormark ») et les autres défendeurs en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario (la « LVMO »). Plus particulièrement, la décision du TMF dans l’affaire Cormark Securities Inc (Re)   (en anglais seulement) fournit de nouvelles indications détaillées aux participants au marché qui envisagent des opérations de couverture en lien avec des placements privés, ainsi que sur la portée de la compétence du TMF en matière d’intérêt public. 

Voici les principaux points à retenir : 

  • Bien que le terme « placement » soit défini de façon large dans la LVMO, ce terme a des limites. Dans cette affaire, le TMF a expressément confirmé que la définition « élargie » d’un « placement » ne s’applique pas à un investisseur aux termes d’un placement privé qui utilise des actions faisant l’objet de restrictions comme garantie pour emprunter des actions librement négociables du même émetteur afin de les vendre à découvert. De façon plus générale, la décision du TMF indique que la définition « élargie » d’un « placement » ne vise pas à mettre au même niveau deux ensembles distincts de valeurs mobilières ou à les rendre interchangeables. 
  • En l’absence de toute forme de comportement inapproprié, [TRADUCTION] « on s’attend à ce que les participants au marché et les personnes inscrites utilisent leurs connaissances et leurs compétences, et tirent avantage de leurs efforts ». En rejetant tous les motifs pour lesquels la CVMO soutenait que la compétence dPremièrement, dans la mesure où Cormark exerçait des activités nécessitant l’inscription en lien avec les transactions connexes, elle le faisait pour le compte de Saline. Canopy avait de l’expérience dans la mobilisation de capitaux, disposait de ses propres conseillers juridiques en valeurs mobilières chevronnés dans le cadre de la transaction et était dotée d’un conseil d’administration expérimenté. Canopy n’était donc pas en situation de vulnérabilité ou de dépendance par rapport à Cormark. Le fait que Canopy ait bénéficié de la transaction n’était pas non plus suffisant pour faire de Canopy un client de Cormark au même titre que Saline. u TMF en matière d’intérêt public avait été mise en jeu par la conduite des défendeurs, le TMF a déclaré que les allégations de la CVMO [TRADUCTION] « allaient trop loin » et avaient eu des conséquences [TRADUCTION] « malheureuses » sur la situation financière et la réputation des défendeurs. Le TMF a également fait plusieurs autres affirmations favorables aux participants aux marchés financiers avertis, notamment que la couverture ou la gestion des risques est une pratique [TRADUCTION] « normale et acceptée » et que [TRADUCTION] « la réduction ou l’élimination des risques » ne fait pas en sorte qu’une structure contrevient aux lois sur les valeurs mobilières. 
  • Un courtier en placement ne sera pas considéré comme un souscripteur à forfait ou par ailleurs comme le conseiller d’un émetteur à capital ouvert en l’absence de preuves significatives de l’existence d’une relation client. Dans cette affaire, la décision du TMF indique qu’une structure de transaction complexe n’effacera pas les limites entre les participants au marché avertis et leurs conseillers juridiques ou ne mettra pas un émetteur en situation de vulnérabilité ou de dépendance par rapport à un courtier en placement. 

Nous analysons le tout dans les prochaines lignes. Pour découvrir d’autres ressources de Fasken relativement aux marchés des capitaux, visitez notre Centre du savoir sur les marchés des capitaux et les fusions et acquisitions.

Les transactions connexes 

  • La question en litige était une série de transactions connexes (les « transactions connexes ») élaborées par Cormark et réalisées autour du 17 mars 2017, date à laquelle Canopy Growth Corporation (« Canopy ») a rejoint l’indice composé S&P/TSX. Ces transactions comprennent ce qui suit :  
  • Canopy a vendu 2,5 millions d’actions ordinaires (les « actions faisant l’objet de restrictions ») au client de Cormark, Saline Investments Ltd. (« Saline »), dans le cadre d’un placement privé en vertu d’une dispense de prospectus. Ces actions étaient assujetties à une période de détention de quatre mois.
  • Saline a utilisé les actions faisant l’objet de restrictions comme garantie pour emprunter 2,5 millions d’actions ordinaires de Canopy précédemment émises et librement négociables aux termes d’une convention de prêt de titres.
  • Saline a vendu à découvert 2,5 millions d’actions ordinaires de Canopy à la TSX, puis a utilisé les actions librement négociables empruntées pour régler les ventes à découvert.
  • À l’expiration de la période de détention de quatre mois à laquelle elles étaient assujetties, les actions faisant l’objet de restrictions ont été libérées en faveur du prêteur aux termes de la convention de prêt de titres, en règlement de l’obligation de Saline de restituer les actions librement négociables empruntées.  

Les allégations de la CVMO

La CVMO a formulé trois principales allégations contre Cormark et les autres défendeurs dans le cadre de sa procédure devant le TMF : 

  • Premièrement, les transactions connexes ont donné lieu à un placement auprès du public de 2,5 millions d’actions ordinaires de Canopy, lequel placement était illégal parce qu’il avait eu lieu sans prospectus. 
  • Deuxièmement, la conduite de Cormark dans l’élaboration des transactions connexes pour son client (Saline) a mis en jeu la compétence du TMF en matière d’intérêt public, notamment pour les motifs suivants : (1) avoir omis de divulguer toute la portée des transactions connexes à Canopy, (2) avoir compromis les mesures de protection des investisseurs, (3) avoir évité l’application des obligations d’information continue et (4) avoir menacé l’efficacité des marchés publics et la confiance envers ceux-ci. 
  • Troisièmement, Canopy était de fait un client de Cormark, de sorte que Cormark avait l’obligation d’agir de bonne foi et avec honnêteté et équité avec celle-ci. 

Canopy n’a été accusée d’aucun acte répréhensible par la CVMO. 

Malgré son sens large, un « placement » a des limites

La définition du terme « placement » qui figure dans la LVMO comprend deux volets. Premièrement, elle comprend une liste de six types d’opérations précis, dont une « opération portant sur des valeurs mobilières qui n’ont pas encore été émises ». Deuxièmement, elle comprend ce qu’on appelle communément la définition « élargie », selon laquelle « des transactions ou séries de transactions supposant un achat et une vente ou un rachat et une revente dans le cadre d’un placement ou accessoirement à un placement ». Selon la CVMO, prises ensemble, les transactions connexes étaient visées par la définition « élargie » d’un « placement ». 

Le TMF a rejeté les arguments de la CVMO. Le problème fondamental était la [TRADUCTION] « prémisse » au [TRADUCTION] « cœur » de la position de la CVMO selon laquelle les transactions connexes [TRADUCTION] « convertissaient de fait » les actions faisant l’objet de restrictions en actions librement négociables. Le TMF a jugé que cette notion était [TRADUCTION] « inappropriée », car elle était incompatible avec les faits. L’élément clé était que les actions faisant l’objet de restrictions et les actions librement négociables constituaient des [TRADUCTION] « ensembles distincts de valeurs mobilières » comportant des numéros CUSIP différents, et que seules les actions faisant l’objet de restrictions comportaient une mention restrictive. Il est à noter également que la période de détention applicable aux actions faisant l’objet de restrictions avait été respectée. Le fait que les transactions connexes aient été [TRADUCTION] « élaborées pour fonctionner ensemble » n’a pas eu d’incidence sur l’une ou l’autre de ces réalités ni fait en sorte que les deux ensembles distincts de valeurs mobilières soient devenus [TRADUCTION] « interchangeables ». En d’autres termes, le TMF n’a pas [TRADUCTION] « jugé opportun d’étendre la définition d’un placement de façon à y inclure les transactions portant sur des actions différentes ». 

Le fait que les participants au marché utilisent leurs connaissances et leurs compétences en vue d’obtenir un avantage financier ne suffit pas pour mettre en jeu la compétence du TMF en matière d’intérêt public  

La CVMO a fait valoir que la compétence du TMF en matière d’intérêt public était mise en jeu par la conduite de Cormark, qui, selon la CVMO, avait caché à Canopy toute l’étendue des transactions connexes. Plus particulièrement, la CVMO a soutenu que la divulgation complète de toutes les transactions connexes était nécessaire pour que Canopy puisse décider en toute connaissance de cause d’y participer ou non. 

Toutefois, le TMF n’a constaté aucun comportement trompeur ni aucune dissimulation tels que ceux allégués. Aucune preuve directe ne démontre que Cormark avait présenté sa proposition comme s’inscrivant dans le [TRADUCTION] « cours normal des affaires ». Le TMF a également conclu que Cormark avait communiqué suffisamment de renseignements pour permettre à Canopy de comprendre que des ventes à découvert d’actions de Canopy auraient lieu dans le cadre du placement privé. Il n’était pas non plus inapproprié pour Cormark de ne pas divulguer le ratio risque/rendement pour son client, Saline, car le TMF a considéré que cette question n’était pas pertinente dans le cadre de la prise de décision de Canopy. Enfin, Cormark n’avait pas l’obligation de divulguer les risques allégués, le cas échéant, que les ventes à découvert faisaient peser sur le produit net de Canopy. Canopy disposait de tous les renseignements nécessaires pour effectuer sa propre analyse et l’avait fait. 

La CVMO a également fait valoir que la compétence du TMF en matière d’intérêt public avait été mise en jeu par la conduite de Cormark, qui avait (1) compromis les mesures de protection des investisseurs, (2) évité l’application des obligations d’information continue et (3) menacé l’efficacité des marchés publics et la confiance envers ceux-ci. Chacune de ces allégations a également été rejetée.

La CVMO a soutenu que les transactions connexes avaient été délibérément structurées de façon à éviter les périodes de détention imposées par la LVMO. Cette allégation n’a pas été retenue, car [TRADUCTION] « aucune nouvelle action n’a été ajoutée sur les marchés publics avant l’expiration de la période de détention ». 

La CVMO a également contesté le fait que la taille du placement privé ait été fixée de manière à ne pas constituer un changement important et à respecter les règles en matière de délit d’initié. Toutefois, le TMF n’estime pas qu’il était inapproprié pour Cormark (1) de structurer avec soin les transactions connexes de manière à respecter les lois sur les valeurs mobilières et (2) d’être disposée à abandonner la transaction si l’approche qu’elle privilégiait ne pouvait pas être mise en œuvre. De même, selon le TMF, le fait pour les défendeurs d’avoir dit à Canopy que le placement privé était conçu de façon à avoir une importance négligeable n’équivalait pas à décourager Canopy de divulguer des renseignements au public en temps utile.  

Le TMF a rejeté l’argument de la CVMO selon lequel les transactions connexes menaçaient l’efficacité des marchés financiers de l’Ontario et la confiance envers ceux-ci en tant que mécanisme efficace de fixation des prix, car il était peu probable que les ventes à découvert contribuent à l’établissement d’un cours efficace. Le TMF a estimé que les ventes à découvert sont un élément commun à de nombreuses stratégies de négociation et que toutes les opérations contribuent à la fixation du prix d’un titre. Le TMF a également noté que la CVMO n’avait pas présenté de preuves d’experts pour étayer sa position sur ce point. 

Enfin, le TMF a conclu que les normes d’aptitude et de conduite professionnelle élevées qui sont exigées des personnes inscrites ne sont pas enfreintes par les personnes inscrites qui utilisent leurs connaissances et leurs compétences, et qui tirent avantage de leurs efforts. En effet, le TMF a conclu que c’est [TRADUCTION] « ce que l’on attend des participants au marché et des personnes inscrites ». 

Une preuve importante est nécessaire pour établir l’existence d’une relation courtier en placement/client

La CVMO a fait valoir que Canopy était un client de Cormark et que, à ce titre, Cormark avait l’obligation d’agir de bonne foi et avec honnêteté et équité avec celle-ci. Toutefois, le TMF n’étant pas d’avis que Canopy était un client de Cormark, une telle obligation ne s’appliquait pas. 

Le TMF a conclu que la réponse à la question de savoir s’il existe une relation client est hautement contextuelle, dépend des circonstances pertinentes et est guidée par les objectifs de la LVMO. Citant la liste non exhaustive des indices établis par la jurisprudence  , le TMF a fondé sa décision sur quatre considérations. 

Premièrement, dans la mesure où Cormark exerçait des activités nécessitant l’inscription en lien avec les transactions connexes, elle le faisait pour le compte de Saline. Canopy avait de l’expérience dans la mobilisation de capitaux, disposait de ses propres conseillers juridiques en valeurs mobilières chevronnés dans le cadre de la transaction et était dotée d’un conseil d’administration expérimenté. Canopy n’était donc pas en situation de vulnérabilité ou de dépendance par rapport à Cormark. Le fait que Canopy ait bénéficié de la transaction n’était pas non plus suffisant pour faire de Canopy un client de Cormark au même titre que Saline. 

Deuxièmement, tout avantage reçu par Cormark dans le cadre des transactions connexes était indirect, hypothétique et/ou négligeable. Canopy n’a versé aucune rémunération à Cormark. Bien que les contacts entre Cormark et Canopy puissent amener Cormark à travailler pour Canopy dans le futur, cette possibilité n’était, au mieux, que fondée sur des suppositions. Saline, quant à elle, était déjà une cliente établie de Cormark. La commission que Cormark a reçue de Saline était également minime dans le contexte des transactions.  

Troisièmement, aucune convention de souscription à forfait ou de placement pour compte n’a été conclue entre Canopy et Cormark. Canopy avait évoqué la possibilité d’une telle convention, mais n’en a jamais exigé une. Cormark, en revanche, avait indiqué qu’elle ne pensait pas qu’une telle convention était nécessaire. 

Quatrièmement, bien que la CVMO ait soutenu qu’il fallait tenir compte de la façon dont les parties définissaient la nature de leur relation, le TMF n’a pas été convaincu que Canopy pensait être le client de Cormark ou que Cormark pensait que Canopy était son client. De plus, la preuve fournie par les deux conseillers juridiques externes de Canopy n’ont pas étayé l’idée selon laquelle Canopy était le client de Cormark. Les communications entre les parties ont également démontré que Cormark considérait Saline comme son client, mais non Canopy. 

Nos conclusions

Dans l’ensemble, l’affaire Cormark Securities Inc (Re)   est une décision importante à plusieurs égards. Le TMF a formulé plusieurs conclusions qui seront bien accueillies par les participants au marché avertis, notamment que (1) [TRADUCTION] « les ventes à découvert sont un élément commun à de nombreuses stratégies de négociation », (2) [TRADUCTION] « il n’est pas déraisonnable pour les participants au marché de s’attendre à réaliser un profit », et (3) [TRADUCTION] « le simple fait qu’une structure puisse réduire ou éliminer le risque ne la rend pas contraire aux principes directeurs de la [LVMO] ». En rejetant la théorie de la [TRADUCTION] « conversion » de la CVMO tel qu’elle a été appliquée à la définition élargie d’un « placement », le TMF a adopté une approche simple qui sera également bien accueillie par les participants au marché avertis. En revanche, une approche différente à l’égard de cette question ou des autres questions soumises au TMF aurait pu créer une incertitude importante sur les marchés en ce qui concerne les transactions de cette nature. 

 

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  • Payton Holliss, Avocat, Calgary, AB | Toronto, ON, +1 403 261 9430, pholliss@fasken.com
  • Paul Blyschak, Avocat-conseil, Calgary, AB, +1 403 261 9465, pblyschak@fasken.com

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