Dans son rapport spécial sur l’énergie dans le monde intitulé The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions [2], l’Agence internationale de l’énergie (l’« AIE » ou l’« Agence ») mentionne que « le Canada détient certaines des réserves les plus importantes au monde de nombreux minéraux, dont quelque 15 millions de tonnes d’oxydes des terres rares (Ressources naturelles Canada, 2020) ». [3]
Comme le mentionne Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence, dans son avant-propos au rapport : « Aujourd’hui, le système énergétique mondial est en pleine transition vers les énergies propres. Un nombre sans cesse croissant de pays et d’entreprises s’efforcent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la carboneutralité. Ces efforts nécessiteront un déploiement massif d’un large éventail de technologies énergétiques propres, dont beaucoup reposeront à leur tour sur des minéraux critiques tels que le cuivre, le lithium, le nickel, le cobalt et les éléments des terres rares ». [4]
Par exemple, une voiture électrique typique nécessite six fois plus de minéraux qu’une voiture classique; les véhicules électriques à batterie ont besoin de lithium, de cobalt, de manganèse et de graphite, qui sont essentiels aux performances, à la longévité et à la densité énergétique de leur batterie. L’Agence estime qu’« un effort concerté pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (stabilisation du climat à une augmentation de la température mondiale “bien en dessous de 2 °C”, comme dans le scénario de développement durable [“SDD”] de l’AIE) signifierait un quadruplement des besoins en minéraux pour les technologies d’énergie propre d’ici 2040. Une transition encore plus rapide, atteindre la carboneutralité à l’échelle mondiale d’ici 2050, nécessiterait six fois plus d’intrants minéraux en 2040 qu’aujourd’hui ». [5] L’Agence écrit que « [l]a perspective d’une augmentation rapide de la demande de minéraux essentiels – bien supérieure à ce qui a été observé par le passé dans la plupart des cas – soulève d’énormes questions quant à la disponibilité et à la fiabilité de l’approvisionnement ». [6]
Quelles sont les technologies d’énergie propre?
- les technologies solaires photovoltaïques, à grande échelle et distribuées;
- l’énergie éolienne, côtière et extracôtière;
- la concentration d’énergie solaire (miroirs cylindro-paraboliques et centrale à tour);
- l’énergie hydroélectrique;
- la géothermie;
- la bioénergie pour l’électricité;
- l’énergie nucléaire;
- les réseaux électriques (transport, distribution et transformation);
- les véhicules électriques (véhicules électriques à batterie, électriques et hybrides rechargeables);
- le stockage par batterie (à grande échelle et résidentiel);
- l’hydrogène (électrolyseurs et piles à combustible).
L’AIE prévoit qu’il y aura 140 millions de véhicules électriques en circulation dans le monde en 2030, contre 6,8 millions en 2020. [7]
L’AIE n’est pas la seule organisation à avoir attiré l’attention du public et des décideurs sur le rôle des minéraux critiques dans la transition énergétique. La Banque mondiale, dans son rapport de juin 2017 intitulé The Growing Role of Minerals and Metals for a Low Carbon Future [8], décrit le problème comme suit dans la première phrase du sommaire : « Les scénarios sur le climat et les gaz à effet de serre (GES) ont généralement accordé peu d’attention aux implications des métaux nécessaires à la réalisation d’un avenir à émission faible ou neutre de carbone ». [9]
Dans le chapitre consacré aux implications pour les pays en développement, la Banque mentionne la place du Canada dans le domaine des minéraux critiques : « En ce qui concerne l’Asie, le résultat le plus notable est la domination mondiale de la Chine sur les métaux (éléments de base et des terres rares) nécessaires à l’approvisionnement des technologies dans un avenir sous contrainte carbone. Les niveaux de production et de réserves, même lorsqu’ils sont comparés à ceux des pays développés riches en ressources (comme le Canada et les États-Unis, et dans une moindre mesure l’Australie), sont souvent dérisoires. » [10] La Banque ajoute que le Canada est un producteur d’aluminium, de cadmium, de cobalt, de minerai de fer, d’indium, de molybdène, de nickel, de silicium, d’argent, de titane et de zinc.
Et dans leurs conclusions, les auteurs déclarent :
Il est clair que pour atteindre l’objectif climatique de Paris, à savoir ne pas dépasser deux degrés Celsius (2 °C) (et faire le maximum pour atteindre 1,5 °C) de réchauffement planétaire au cours de ce siècle, il faudra restructurer radicalement (c’est-à-dire à la racine) les systèmes d’approvisionnement et de transport de l’énergie à l’échelle mondiale.
[…]
Les principaux métaux de base, dont le cuivre, l’argent, l’aluminium (bauxite), le nickel, le zinc et peut-être le platine, entre autres, devraient bénéficier d’un changement sur le plan de l’énergie à faibles émissions de carbone au cours du siècle. Les principaux métaux issus d’éléments des terres rares (du moins pour les trois technologies analysées en profondeur dans cette étude) sont le néodyme et l’indium, entre autres. [11]
L’Agence indique qu’il faut en moyenne 16 ans pour faire passer les projets miniers de la découverte à la production. Ces longs délais peuvent soulever des questions sur la capacité des fournisseurs à augmenter leur production si, comme on le suppose généralement, la demande devait reprendre.
Aurons-nous assez de minéraux critiques à temps pour tous les véhicules électriques, les éoliennes et les panneaux solaires qui constituent l’élément central de la transition énergétique? C’est le défi que les gouvernements devront relever pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris.
C’est la question à laquelle Fasken tente modestement de répondre dans cette série d’articles, du point de vue du Canada – un pays dont la population est relativement faible, mais qui possède de vastes régions dotées d’immenses ressources minérales.
Dans cette série d’articles, nous examinons ce que le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont fait et prévoient de faire pour s’assurer que le Canada puisse produire suffisamment de ces minéraux critiques pour contribuer à la transition énergétique. Ce qui est clair, c’est qu’en tant que pays, nous faisons beaucoup pour encourager la demande de véhicules électriques. Là où c’est moins clair, c’est lorsqu’il s’agit des politiques gouvernementales nécessaires pour stimuler l’offre de minéraux critiques qui sont nécessaires pour alimenter ces véhicules électriques.
En tant qu’avocats, nous accorderons une attention particulière à la question de la certitude réglementaire : les sociétés minières peuvent-elles s’attendre à un processus d’autorisation rapide, ou y aura-t-il une opposition au développement des mines de lithium, de cobalt ou de manganèse, comme c’est le cas pour les autres projets miniers? Les autorités publiques donneront-elles rapidement leur feu vert à ces projets pour soutenir la transition énergétique ou continueront-elles à agir comme si de rien n’était?
Dans cet article, le premier d’une série de sept, des avocats de Fasken ayant de l’expérience dans les domaines du droit minier, de l’énergie, de l’environnement, des autochtones, des changements climatiques, de la fiscalité et de la sécurité nationale examinent les initiatives que le gouvernement fédéral canadien a prises jusqu’à présent pour encourager l’exploration et l’exploitation des minéraux critiques et stratégiques.
Dans les prochains articles de cette série, nous examinerons ce que les gouvernements du Québec, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, des provinces des Prairies (Alberta, Saskatchewan et Manitoba), des provinces de l’Atlantique (Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) et des territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut) ont fait ou proposent de faire.
Initiatives fédérales canadiennes
En 2019, le gouvernement canadien a publié le Plan canadien pour les minéraux et les métaux (le « Plan ») [12], qui élabore une politique visant à faire du Canada un chef de file de l’exploitation minière au chapitre des minéraux critiques durables et responsables.
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Ressources naturelles Canada a dressé la liste suivante des minéraux critiques du Canada :
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La phrase d’accroche du Plan affirme avec force que « le Canada est un acteur mondial majeur dans le secteur minier ». [13] L’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec sont présentés comme les provinces les plus actives dans ce secteur.
Le Plan reconnaît clairement le lien entre les minéraux critiques et la transition vers les énergies propres :
Les matières premières essentielles à la fabrication des produits de l’ère numérique proviennent de l’exploitation minière. Au troisième rang de la production mondiale d’aluminium, au quatrième rang de la production de cobalt et au cinquième rang de la production de nickel. Il est bien placé pour satisfaire la demande croissante de graphite, de lithium et d’éléments des terres rares. Le Canada est l’un des producteurs clés de cuivre, un métal important pour les produits qui doivent être branchés, notamment les véhicules électriques, les appareils médicaux, les téléphones et les appareils intelligents, pour n’en nommer que quelques-uns. Tous ces produits sont essentiels aux technologies propres, comme les éoliennes, les panneaux solaires, les batteries et les unités de stockage d’énergie, les lignes de transmission, le câblage pour les véhicules électriques et d’autres applications à faibles émissions de carbone. [14]
Le Plan est optimiste quant à la trajectoire ascendante de la demande de minéraux et de métaux, affirmant que : « La demande pour des minéraux et des métaux devrait être stimulée par les marchés émergents, tandis que les classes moyennes de la Chine et de l’Inde continuent de croître, d’acheter des produits et des services et d’adopter des technologies propres qui dépendent des produits miniers telles que l’énergie solaire et éolienne, et les véhicules électriques ». [15]
Dans tout le Plan, plusieurs pages sont consacrées au rôle des peuples autochtones du Canada; les perspectives des peuples autochtones sont en fait censées être représentées dans tout le Plan. [16] Au Canada, les biens, les ressources foncières (dont les gisements minéraux) et les mines relèvent de la compétence des provinces et des territoires, et non du gouvernement fédéral. Souvent, les ressources minérales sont situées sur des terres autochtones dont les peuples revendiquent des droits et des pouvoirs ancestraux. Le Plan souligne le rôle que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont à l’égard des peuples autochtones, en particulier leur rôle unique tel qu’il est énoncé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 du Canada, qui stipule que les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada sont « reconnus et confirmés ». En raison de cette protection constitutionnelle, dans des circonstances appropriées, la Couronne a l’obligation de consulter les peuples autochtones et, éventuellement, de rechercher un accommodement viable relativement à leurs intérêts avant de prendre des décisions qui peuvent affecter leur capacité à exercer leurs droits protégés par la Constitution. Le type de décision qui peut nécessiter une consultation et éventuellement un accommodement concerne souvent le développement des ressources ou les activités impliquant un accès aux terres, comme le pétrole et le gaz, la foresterie, l’énergie, l’exploitation minière, l’aménagement du territoire ou la pêche. Ces décisions peuvent être prises au niveau « opérationnel », comme l’octroi d’autorisations pour les permis de coupe, les travaux d’exploration sismique, les routes d’accès, les sites de puits, les pipelines et autres installations, ou au niveau « stratégique », comme l’approbation des ventes de terrains, le transfert d’actifs et l’approbation de grands projets.
En définitive, la Couronne doit gérer les ressources naturelles, y compris les ressources minérales, en soupesant et en équilibrant sa responsabilité envers les peuples autochtones et les intérêts des autres parties prenantes. À cet égard, la Couronne compte sur la coopération des peuples autochtones et du secteur pour lui fournir les renseignements qui lui permettront de prendre les bonnes décisions en matière de droit, d’instituer un processus de consultation adapté aux circonstances et de veiller à ce que la forme d’accommodement appropriée soit mise en œuvre. La certitude réglementaire peut être renforcée par l’application de bonnes pratiques qui favorisent l’engagement des peuples autochtones et des parties prenantes le plus tôt possible, afin de donner aux communautés la possibilité de participer à toutes les étapes de l’élaboration d’un projet, dans le but de permettre aux entreprises autochtones d’évoluer au même rythme que les projets grâce au renforcement des capacités, aux approvisionnements et à d’autres possibilités.
La version préliminaire du Plan d’action de mars 2020 consacre une section détaillée à la « [promotion de] la participation des peuples autochtones » et la mise à jour de septembre 2020 du Plan d’action 2020 énumère les initiatives actuelles des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des associations telles que les suivantes : [17]
- Allocation d’un montant de 1,58 million de dollars pour permettre la réalisation des travaux de restauration au site minier Tulsequah Chief avec la collaboration de la Première Nation Tlingit de la rivière Taku (C.-B., peuples autochtones)
- Adoption de la Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act (C.-B.)
- Financement de projets de réduction des émissions, comme l’électrification et le remplacement des hydrocarbures sur les sites miniers, dans le cadre du fonds industriel CleanBC (C.-B.)
- Élaboration d’une politique d’approvisionnement auprès des Premières Nations (Yukon)
- Partage des avantages financiers des revenus tirés des ressources avec les gouvernements autochtones signataires de l’Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.)
- Lancement ou élaboration de stratégies de développement des ressources minérales régionales par les gouvernements autochtones (peuples autochtones, T.N.-O.)
- Ajout de nouvelles dispositions à la Mineral Resources Act pour permettre aux gouvernements et organisations autochtones, aux communautés et aux résidents de profiter du développement des ressources minérales (T.N.-O.)
- Mise en œuvre de La Grande Alliance dans le cadre d’un programme d’infrastructure d’une durée de 30 ans afin de favoriser le transport et d’accroître la valeur des ressources naturelles (Québec, Nation des Cris)
L’un des champs d’action identifiés dans le plan concerne les incitatifs fiscaux et financiers. Il est suggéré que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient étudier la position fiscale du Canada et modifier les politiques fiscales et d’autres instruments fiscaux pour appuyer la compétitivité de l’industrie au chapitre des coûts et attirer des investissements.
La politique de l’impôt du Canada dans le secteur minier a reconnu très tôt que ce secteur nécessitait des mesures spécialement ciblées pour tenir compte des besoins en capitaux du secteur, ainsi que de son cycle de revenus unique.
Dans ce contexte, la compétitivité fiscale du Canada est actuellement assurée par plusieurs mesures, notamment l’un des taux d’imposition effectifs les plus bas parmi les administrations minières du monde entier, et des mesures incitatives fiscales qui aident l’industrie à obtenir le financement dont elle a tant besoin, comme son mécanisme d’actions accréditives (en vigueur depuis plus de 35 ans), harmonisé avec le crédit d’impôt pour l’exploration minière et certaines mesures provinciales. Les provinces ont adopté des mesures distinctes, qui s’appliquent en plus des mesures fédérales, comme des déductions supplémentaires pour les investisseurs dans les actions accréditives qui aident à financer les activités d’exploration minière, et des crédits d’impôt sur le revenu.
Ces mesures ont aidé les petites sociétés minières à lever des fonds pour financer l’exploration minière sur les marchés boursiers, car elles n’ont pas de revenus générés en interne et ne peuvent donc pas utiliser la déduction des frais d’exploration qu’elles ont engagés. Comme il est brièvement décrit dans le présent document, l’utilisation des actions accréditives pour financer l’exploration minière permet à la société minière de transmettre aux souscripteurs d’actions accréditives la déduction dans le calcul du revenu des frais d’exploration qu’elle engage.
Le Plan vise à accroître l’importance du secteur des minéraux dans l’économie nationale du Canada et articule six orientations stratégiques :
1) Développement économique et compétitivité – Le secteur des minéraux et des métaux canadien présente l’environnement d’affaires et d’innovation le plus concurrentiel et le plus attrayant au monde pour les investisseurs.
2) Promouvoir la participation des peuples autochtones – Des débouchés économiques accrus pour les peuples autochtones et un soutien au processus de réconciliation.
3) Environnement – La protection environnementale est à la base d’une industrie responsable et compétitive. Le Canada est un chef de file mondial au chapitre du raffermissement de la confiance du public, du développement des mines à faible empreinte écologique de demain et de la gestion de l’héritage des activités passées.
4) Sciences, technologies et innovation – Une industrie moderne et novatrice appuyée par la science et la technologie de pointe dans l’ensemble du cycle de développement minéral.
5) Communautés – Les communautés accueillent favorablement les activités de développement des ressources minérales durables pour les avantages qu’elles procurent.
6) Leadership mondial – Un avantage concurrentiel nettement amélioré et un leadership mondial accru pour le Canada.
Il est intéressant de noter que le Plan aborde la question de l’adaptation aux changements climatiques :
L’adaptation aux changements climatiques est un enjeu émergent pour les secteurs industriels. Dans le cas de l’exploitation minière, il comprend certains facteurs émergents comme l’entretien et les réparations supplémentaires des infrastructures, la possibilité d’impacts environnementaux causés par la détérioration des installations d’entreposage et les conséquences d’événements météorologiques extrêmes comme des inondations, des périodes de sécheresse et des feux incontrôlés. Pour les travailleurs et les communautés, cela peut signifier des répercussions dues à la suspension des opérations et des répercussions sur la chasse, le trappage ou la pêche, ainsi que sur l’infrastructure de logement ou sociale.
Dans les régions nordiques, les températures plus douces et la fonte du pergélisol créent d’autres difficultés, notamment pour les réseaux de transport qui dépendent des routes hivernales.
Les évaluations environnementales des projets dans le Nord nécessitent des analyses pour s’assurer que les conditions actuelles et futures du pergélisol sont bien prises en considération dans les plans de mine.
La majorité des mines canadiennes actuelles ont été conçues pour être exploitées selon des paramètres climatiques précis, en tenant compte de la gestion du risque d’événements météorologiques survenant à des intervalles précis (par ex., tempêtes annuelles et tempêtes tous les 50 ans). Les mines abandonnées présentent un niveau de risque plus élevé, notamment lorsque l’infrastructure et les technologies employées à l’époque ne satisfont plus les normes actuelles pour faire face à toutes les conditions climatiques désormais envisagées. Les risques accrus associés au changement climatique doivent être pris en compte dans les processus prévisionnels, tandis que des mesures additionnelles peuvent être nécessaires pour assurer la stabilité des haldes de stériles et des parcs de résidus miniers. [18]
Le Plan aborde également la question de la certitude réglementaire, mais fait qui n’est peut-être pas surprenant, il n’aborde pas la criticité qui est parfois formulée à l’égard du processus d’octroi de permis et du manque de certitude réglementaire au Canada, notamment en ce qui concerne l’évaluation environnementale. Cela dit, le Plan, sous le titre « Développement économique et compétitivité » [19], décrit les objectifs suivants :
Et le Plan ajoute que d’ici 2020, il devrait y avoir « des gains en matière de stabilité, de prévisibilité et d’efficacité des systèmes réglementaires pour l’industrie des minéraux et les Canadiens et Canadiennes ». [20]
Le Plan n’aborde pas la question de l’incertitude réglementaire qui a pesé sur les grands projets; bien au contraire, le Plan transfère la charge de la conformité réglementaire aux promoteurs de projets :
La réglementation doit protéger les intérêts des Canadiens et des Canadiennes. Les systèmes de réglementation qui sont robustes, souples, transparents et prévisibles sont un avantage concurrentiel, car ils permettent de protéger l’environnement, facilitent la planification rigoureuse des projets et fournissent aux investisseurs une marche à suivre claire les menant à une approbation rapide des projets.
[…]
Plusieurs projets miniers sont assujettis à des évaluations environnementales fédérales et provinciales et à d’autres lois fédérales. Il existe un processus d’évaluation environnementale distinct pour les trois territoires canadiens, qui est du ressort des gouvernements fédéral et territoriaux.
Le délai associé à la réalisation des évaluations environnementales et à l’obtention d’une décision à l’égard d’un projet est un facteur important sur le plan de l’intérêt économique que présente un projet minier. Les décisions devraient reposer sur des faits probants, notamment les connaissances scientifiques et les connaissances locales, et être prises dans des délais définis.
Cette manière de procéder inspire confiance aux investisseurs et peut réduire le délai entre la découverte minérale, ou l’acquisition d’un gisement minéral, et la production. Les évaluations régionales pourraient offrir des possibilités d’établir, d’analyser et d’encadrer les potentiels effets environnementaux, économiques, sociaux et culturels cumulatifs à l’échelle locale ou régionale. Cette approche pourrait éventuellement permettre de rationaliser les approbations à l’échelle des projets, de définir clairement les capacités d’une région d’accueillir ce type de projets et d’appuyer le développement régional. [21]
Les préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance actuelles des investisseurs et des banquiers devraient aider les producteurs canadiens. Le Canada obtient une note très élevée selon l’indice de la transparence. Le pays est connu pour son engagement en faveur d’un régime réglementaire solide. Une telle réputation garantit aux investisseurs que leur investissement est protégé par des normes environnementales et sociales élevées.
En 2020, le Canada et les États-Unis ont signé un Plan d’action conjoint pour la collaboration dans le domaine des minéraux critiques. [22]
Le Plan d’action conjoint, qui a été signé le 9 janvier 2020 par le premier ministre Trudeau et le président Trump, concrétise leur engagement « à améliorer la sécurité des minéraux critiques et à assurer la compétitivité future de l’industrie canadienne et américaine des minéraux ».
Les domaines de collaboration entre les deux pays sont les suivants :
- l’engagement de l’industrie;
- la sécurisation des chaînes d’approvisionnement pour les industries stratégiques et la défense; et
- la coopération multilatérale en matière d’échange de données.
Dans les prochains paragraphes, lorsque nous examinerons le rapport du ministère américain de l’Énergie, nous étudierons la liste américaine des minéraux critiques, mais pour le moment, il convient de souligner que le Canada est décrit comme un fournisseur sûr pour 13 des minéraux critiques américains, soit le césium, le rubidium, le potasse, le tellure, l’uranium, l’indium, le vanadium, le niobium, le titane, le magnésium, le tungstène et le graphite. Rappelons que les versions précédentes de la liste des minéraux critiques du Canada indiquaient les minéraux essentiels non pas pour le Canada, mais plutôt pour ses alliés. Dans la plus récente version, le Canada a adopté une approche qui cible plus spécifiquement ses besoins en minéraux.
Une comparaison des approches canadienne et américaine en matière de minéraux critiques dépasse la portée de cet article, mais il y a quelques éléments intéressants à souligner dans le rapport du département de l’Énergie des États-Unis.
Le rapport intitulé Critical Minerals and Materials [23] indique que : « Le plan d’action conjoint canado-américain sur la collaboration en matière de minéraux critiques signé au début de 2020 a le potentiel d’être très productif compte tenu des vastes ressources minérales du Canada, de ses forces établies en matière d’exploitation minière et de métallurgie, et des intérêts communs entre ces nations ». [24]
Le premier paragraphe du sommaire de ce rapport se lit comme suit :
[Notre traduction]
Les minéraux et matériaux critiques sont utilisés dans de nombreux produits importants pour l’économie et la sécurité nationale des États-Unis. Ainsi, l’approvisionnement garanti en minéraux et matériaux critiques et la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement sont essentiels à la prospérité économique et à la défense nationale des États-Unis. Sur les 35 produits minéraux identifiés comme critiques dans la liste publiée dans le Federal Register par le secrétaire de l’Intérieur, 14 ne sont pas produits par les États-Unis à l’échelle nationale et 31 dépendent à plus de 50 % des importations. Cette dépendance à l’égard des importations fait courir un risque important aux chaînes d’approvisionnement industrielles, aux entreprises américaines et aux utilisateurs de matériaux. [25]
Les 35 produits minéraux qui revêtent une importance capitale pour l’économie et la défense des États-Unis sont les suivants : aluminium (bauxite), antimoine, arsenic, baryte, béryllium, bismuth, césium, chrome, cobalt, fluorine, gallium, germanium, graphite (naturel), hafnium, hélium, indium, lithium, magnésium, manganèse, niobium, métaux du groupe du platine, potasse, groupe d’éléments des terres rares, rhénium, rubidium, scandium, strontium, tantale, tellure, étain, titane, tungstène, uranium, vanadium et zirconium. Les minéraux soulignés se trouvent également dans la liste des minéraux critiques du Canada.
Le Canada, il faut le dire, n’est pas sans avoir conscience de son positionnement stratégique dans l’ordre mondial. Il n’ignore pas non plus son potentiel en tant que fournisseur clé de minéraux critiques. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, jusqu’à l’édition la plus récente de sa liste des minéraux critiques, le Canada définissait la criticité en fonction des éléments qu’il possédait et dont d’autres pays avaient besoin – et non des minéraux dont il avait besoin, en soi. Ce que le Canada a parfois omis de faire, c’est de tracer une ligne claire entre les minéraux critiques et ses intérêts essentiels en matière de sécurité. Les États-Unis n’ont pas de telles réticences, déclarant explicitement dans l’Executive Order 13953 du 30 septembre 2020 qu’une dépendance excessive à l’égard des éléments des terres rares en provenance de la Chine avait menacé les secteurs industriels et de défense alliés et perturbé les prix des éléments des terres rares dans le monde entier. Le Canada s’est approché le plus de telles déclarations dans ses Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements révisées (2021), dans lesquelles l’incidence possible de l’investissement étranger sur les minéraux critiques et les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques est mentionnée, mais non élaboré. [26]
De plus, en 2020, le Canada s’est joint à l’initiative mondiale en matière de ressources énergétiques (Energy Resource Global Initiative), dirigée par les États-Unis en tant que l’un de ses membres fondateurs, aux côtés des États-Unis, de l’Australie, du Pérou et du Botswana, afin de promouvoir une saine gouvernance du secteur minier et des chaînes d’approvisionnement mondiales résilientes pour les minéraux critiques. Ces cinq pays visent à promouvoir les meilleures pratiques minières dans le monde, de la découverte des ressources minérales à la fermeture et à la remise en état des mines.
Au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux prélèvent des impôts sur le revenu, et les deux paliers de gouvernement ont prévu des incitatifs liés aux activités et aux frais d’exploration au Canada.
Les incitatifs pour les sociétés d’exploration prennent la forme de déductions des frais d’exploration et des frais de développement dans le calcul du revenu, de l’émission d’actions accréditives et de la disponibilité de certains crédits d’impôt.
Pour les investisseurs, les incitatifs prennent la forme de la possibilité de déduire du produit de l’émission d’actions accréditives un montant au titre des frais d’exploration engagés par la société d’exploration, ainsi que des crédits d’impôt supplémentaires et dans certains cas, comme au Québec, une exonération du gain sur la vente des actions.
Le programme d’actions accréditives est unique au secteur des ressources au Canada, et prévoit qu’une société peut renoncer aux frais d’exploration en faveur des détenteurs d’actions accréditives.
En raison de cette renonciation, les souscripteurs ont droit à une déduction de 100 % des frais d’exploration auxquels ils ont renoncé. En d’autres termes, une société qui engage des frais d’exploration au Canada peut choisir de transférer réellement son droit à une déduction au titre des frais d’exploration et, par conséquent, de renoncer à cette déduction.
Ceci est particulièrement important pour les sociétés d’exploration canadiennes, car beaucoup d’entre elles ne sont pas en mesure d’avoir des revenus leur permettant d’utiliser les déductions pour les frais d’exploration qu’elles engagent.
Un aspect particulièrement intéressant du mécanisme des actions accréditives est connu sous le nom de « règle de rétrospection », qui permet à une société de renoncer non seulement aux frais de l’année en cours et de l’année suivante, ce qui permet aux investisseurs de déduire dans l’année en cours les frais engagés par l’émetteur dans l’année courante, et les investisseurs peuvent également déduire dans l’année en cours les frais qui seront engagés dans l’année suivante par la société émettrice.
Les incitatifs fédéraux comprennent également la possibilité pour les investisseurs de demander un crédit d’impôt à l’investissement (actuellement de 15 %) pour les frais courants ou les frais devant être engagés l’année suivante par la société. Certaines provinces prévoient également un crédit d’impôt pour les investisseurs.
Enfin, le Québec a également prévu deux incitatifs dignes de mention : (i) des déductions supplémentaires pour les investisseurs en ce qui concerne les frais d’exploration auxquels la société d’exploration a renoncé, permettant ainsi des déductions jusqu’à 120 % dans le calcul du revenu; (ii) un mécanisme permettant d’exempter certaines sociétés d’exploration de l’impôt sur le gain réalisé sur la vente d’actions; et (iii) la possibilité pour la société d’exploration de demander un crédit d’impôt sur le revenu sur les frais d’exploration auxquels elle n’a pas renoncé.
Dans le prochain article de cette série, nous examinerons ce que le Québec a fait pour promouvoir l’exploration et l’exploitation des minéraux critiques. Le Québec est la seule province ou territoire au Canada à avoir élaboré un plan consacré spécifiquement à cette question.
[1] Les auteurs souhaitent remercier Claude Jodoin (Fiscalité), Janet Howard (Électricité), Allison Sears (Hydrogène), Andrew House (Sécurité nationale), et Emilie Bundock (Droit autochtone) pour leurs contributions.
[2] Disponible en ligne (uniquement en anglais) à l’adresse https://iea.blob.core.windows.net/assets/24d5dfbb-a77a-4647-abcc-667867207f74/TheRoleofCriticalMineralsinCleanEnergyTransitions.pdf [le « rapport »].
[3] Rapport, page 164
[4] Rapport, page 1
[5] Rapport, page 8
[6] Rapport, page 11
[7] Source : https://iea.blob.core.windows.net/assets/af46e012-18c2-44d6-becd-bad21fa844fd/Global_EV_Outlook_2020.pdf
[8] Disponible en ligne (uniquement en anglais) https://documents1.worldbank.org/curated/en/207371500386458722/pdf/117581-WP-P159838-PUBLIC-ClimateSmartMiningJuly.pdf [le « rapport sur le rôle grandissant »]
[9] Rapport sur le rôle grandissant, page xii
[10] Rapport sur le rôle grandissant, page 27
[11] Rapport sur le rôle grandissant, page 58
[12] Disponible en ligne : https://www.nrcan.gc.ca/sites/www.nrcan.gc.ca/files/CMMP/CMMP_The_Plan-FR.pdf
[13] Plan, page 1
[14] Plan, page 2
[15] Plan, page 9
[16] Plan, page 15; version préliminaire du Plan d’action 2020, page 9.
[17] Mise à jour du plan d’action 2020, page 8.
[18] Plan, page 26
[19] Plan, page 7
[20] Plan, page 7
[21] Plan, pages 10 et 11
[22] Le plan d’action conjoint n’est pas disponible en ligne.
Entre-temps, la Saskatchewan Mining Association a publié une présentation PowerPoint (disponible en anglais uniquement) de Ressources naturelles Canada présentant le plan d’action conjoint de la 54e assemblée générale annuelle : Saskatchewan Mining Association :
http://saskmining.ca/ckfinder/userfiles/files/Plenary%20Session%201%20Update%20on%20Canada-US%20Action%20Plan%20(Hilary%20Morgan).pdf
Le gouvernement du Canada a également publié une version non signée d’un protocole d’entente en août 2020 : https://www.rncan.gc.ca/energie/ressources/cooperation-international-en-matiere-denergie/protocole-dentente-entre/23750?_ga=2.60396717.1433695289.1635946523-1874393734.1631115191
[23] Disponible en ligne (uniquement en anglais) :
https://www.energy.gov/sites/prod/files/2021/01/f82/DOE Critical Minerals and Materials Strategy_0.pdf [le « rapport américain »]
[24] Rapport américain, page 23
[25] Rapport américain, page i
[26] Source : https://www.ic.gc.ca/eic/site/ica-lic.nsf/fra/lk81190.html