Les avocats de Fasken ont préparé une série d’articles sur le rôle des minéraux critiques dans la transition énergétique, du point de vue du Canada. Ils apportent un regard nouveau sur les enjeux en droit minier, énergétique, environnemental, autochtone et fiscal, ainsi qu’en matière de changements climatiques et de sécurité nationale. Dans les premier et deuxième articles de cette série, nous avons examiné le rôle du gouvernement du Canada et celui de la province de Québec. Dans ce troisième article, nous examinons les initiatives prises par la province de l’Ontario, le territoire minier le plus actif du Canada.
La province de l’Ontario n’a pas encore élaboré de plan concret concernant les minéraux critiques, mais dans le but de le faire, elle a publié un Document de travail sur le cadre ontarien en matière de minéraux critiques. [1]
Liste préliminaire des minéraux critiques de l’Ontario :
- Minéraux à potentiel d’exploration : antimoine, béryllium, bismuth, césium, spath fluor, manganèse, molybdène, phosphate, éléments des terres rares, tantale, étain, titane, tungstène, vanadium et zirconium
- Minéraux en cours d’exploration avancée : barytine, chromite, graphite, lithium, magnésium et niobium
- En cours de production : cobalt, cuivre, indium, nickel, éléments du groupe du platine, sélénium, tellure et zinc
- Minéraux en cours de traitement uniquement : uranium
Citant le rapport du Groupe de la Banque mondiale intitulé Minerals for Climate Action: The Mineral Intensity of the Clean Energy Transition, le document de travail indique que la production de graphite et de lithium devrait augmenter de près de 500 % d’ici 2050 pour répondre à la demande projetée.
Le document de travail cite également un rapport commandé par l’Union européenne, intitulé Study on Future Demand and Supply Security of Nickel for Electric Vehicle Batteries, qui indique que la demande de nickel utilisé pour l’électrification automobile devrait croître à l’échelle mondiale, passant de 92 kilotonnes utilisées en 2020 à 2,6 mégatonnes en 2040. Le document ajoute que l’Ontario produit le nickel à la plus faible teneur en carbone du monde et que le nickel non extrait en Ontario contribue à l’augmentation des émissions de carbone.
L’Ontario est déjà un producteur de plusieurs minéraux critiques identifiés dans d’autres territoires comme étant très demandés comme le nickel, l’or, le cuivre, le zinc et les éléments du groupe platine.
En 2019, l’Ontario a produit des minéraux d’une valeur de plus de dix milliards de dollars, ce qui représente 22 % de la production totale de minéraux du Canada. Il y a actuellement 40 mines en exploitation en Ontario et des minéraux critiques sont produits dans dix d’entre elles.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’Ontario est déjà un producteur de nickel, de cuivre, de zinc, d’éléments du groupe du platine, de cobalt, de sélénium, de tellure et d’indium. D’autres minéraux critiques ont été produits dans le passé, d’autres se trouvent dans des gisements qui sont actuellement mis en valeur en vue d’une possible production, notamment la barytine, la chromite, le spath fluor, le graphite, le lithium, le magnésium, le niobium, le phosphate et l’uranium.
Parmi les principaux domaines d’intervention d’une stratégie sur les minéraux essentiels, le document de travail met l’accent sur la promotion des possibilités de partenariat avec les communautés autochtones :
L’Ontario est convaincu que la mise en valeur responsable des ressources naturelles continuera à bâtir des collectivités plus fortes, plus saines et plus prospères partout en Ontario. La collaboration sur des projets de mise en valeur des ressources peut promouvoir la réconciliation et aider les communautés autochtones, l’industrie et d’autres partenaires à s’entendre sur des projets locaux et des initiatives plus larges qui soutiennent la formation professionnelle, le renforcement des capacités et l’amélioration des possibilités de développement économique.
L’Ontario estime que les localités devraient profiter de l’activité de mise en valeur des ressources et s’attache à collaborer avec les organisations des Premières Nations et des Métis pour y parvenir. Une stratégie ontarienne en matière de minéraux critiques permettrait aux communautés autochtones à proximité des chantiers d’exploitation des ressources de participer davantage aux divers avantages qu’offre une exploitation responsable des ressources et de les partager, contribuant ainsi à la création de collectivités plus fortes, plus saines et plus prospères partout en Ontario.
L’élaboration de la stratégie tiendra compte, dans le cadre de consultations et de partenariats avec les communautés autochtones, de la manière dont les communautés peuvent :
- Participer de manière significative aux possibilités économiques et aux emplois offerts par la mise en valeur durable des ressources et en tirer profit.
- S’investir dans des relations de collaboration avec le secteur privé afin d’optimiser ces avantages.
Partout en Ontario, les ministères continuent de lancer des initiatives de réconciliation et sont engagés à créer un changement réel et positif, en travaillant avec les communautés autochtones. [2]
L’Ontario a créé une liste préliminaire de minéraux critiques. Elle comporte quatre catégories :
1. Minéraux à potentiel d’exploration : les minéraux critiques dont la possibilité d’exploration est prouvée en Ontario.
2. Minéraux en cours d’exploration avancée : les minéraux critiques qui ont une perspective raisonnable d’être mis en valeur en Ontario à court terme (dans les cinq prochaines années).
3. Minéraux en cours de production : les minéraux critiques qui sont actuellement produits commercialement par des mines en exploitation en Ontario.
4. Minéraux en cours de traitement : fonte et affinage de minerais, de concentrés et d’autres produits minéraux/métalliques intermédiaires critiques qui n’étaient pas exploités à l’origine en Ontario. [3]
Il est intéressant de noter que le document de travail indique que la liste préliminaire des minéraux critiques de l’Ontario devrait s’harmoniser sur les listes des autres territoires afin de s’assurer que la province soit « ...mieux positionnée pour collaborer avec les entreprises et les autres paliers de gouvernement pour mettre à profit la demande mondiale croissante de minéraux critiques »[4].
Crédit d’impôt | Le crédit d’impôt pour actions accréditives ciblées de l’Ontario
Ce crédit d’impôt contribue à stimuler l’exploration des minéraux en Ontario en améliorant l’accès des petites sociétés d’exploration minière au capital. Les actions accréditives offrent aux actionnaires un crédit d’impôt remboursable de 5 % des dépenses admissibles d’exploration des minéraux en Ontario. De nombreuses sociétés d’exploration des minéraux de l’Ontario comptent sur ce crédit d’impôt, qui a rendu possibles plusieurs découvertes intéressantes dans la province.
L’Ontario prévoit également d’accroître les investissements dans l’exploration et la mise en valeur des minéraux.
L’une des initiatives vise à aider les sociétés minières à gérer les coûts énergétiques par le biais du Programme de réduction des tarifs d’électricité pour le secteur industriel du Nord (RTE-SIN), qui aide les plus grands consommateurs industriels d’électricité du Nord de l’Ontario, y compris les sociétés minières.
Ce programme existe depuis le 1er avril 2010 et a été prolongé pour plusieurs périodes successives par le ministère du Développement du Nord et des Mines (MDNM). Depuis sa création jusqu’à la fin de la période de renouvellement la plus récente, le programme a fourni environ 796 millions de dollars en réductions des coûts d’électricité aux grandes entreprises industrielles admissibles situées dans le Nord de l’Ontario. Le Programme de RTE-SIN a été renouvelé le 1er avril 2017 pour une durée de cinq ans qui se termine le 31 mars 2022.
Les participants admissibles bénéficient d’une réduction sur les coûts d’électricité de deux cents par kilowattheure. Les nouveaux demandeurs doivent posséder et contrôler directement des installations admissibles situées dans le Nord de l’Ontario, qui consomment un minimum de 50 000 MWh d’électricité par an. La participation est soumise à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un plan de gestion énergétique (PGE) dans lequel les participants détaillent les mesures à prendre pour améliorer l’efficacité électrique et la durabilité. Le PGE détaille les possibilités de réduction des coûts énergétiques et le potentiel d’autoproduction, en décrivant les investissements réalisés dans les technologies d’adaptation, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les mesures permanentes prises pour améliorer l’efficacité énergétique.
L’Ontario prévoit également de réduire les coûts d’électricité en moyenne pour les moyens et grands employeurs commerciaux industriels au moyen d’un plan exhaustif pour réduire les prix de l’électricité. Le 1er janvier 2021, la province a supprimé certains coûts des factures d’électricité d’employeurs industriels, permettant ainsi aux employeurs admissibles du secteur de l’exploitation de mines métalliques de réaliser des économies de 14 % en moyenne. Cette initiative s’ajoute aux avantages d’autres programmes visant à alléger les coûts de l’électricité pour les entreprises admissibles.
En ce qui concerne la réforme des règlements et des politiques, le document de travail indique que l’Ontario étudiera des modes d’action politiques, réglementaires et législatifs pour réduire le fardeau réglementaire et améliorer la certitude réglementaire pour faire valoir l’exploration et la mise en valeur des minéraux critiques dans la province, tout en respectant les droits ancestraux des autochtones et les droits issus de traités.
Enfin, en ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement et les plans de fabrication, le document de travail indique que la province étudiera les possibilités de faire valoir son avantage concurrentiel pour les minéraux critiques et leur chaîne d’approvisionnement sur les scènes nationale et internationale. Le document de discussion ne mentionne que les batteries de véhicules électriques :
Une stratégie ontarienne en matière de minéraux critiques permettrait aussi de renforcer l’avantage concurrentiel de l’Ontario sur les scènes nationale et internationale en mettant en évidence le potentiel de créer des chaînes d’approvisionnement dans la province. La géographie de l’Ontario, son expertise en matière de mise en valeur des ressources, sa capacité de traitement des minéraux et sa capacité de fabrication pourraient être mises à profit pour garder de grands nœuds des chaînes d’approvisionnement ici même en Ontario. Il s’agit, par exemple, de l’extraction et de la transformation des minéraux pour créer des composants pour les batteries de véhicules électriques qui pourraient être fabriqués en Ontario. La création d’un lien entre le secteur des minéraux et les secteurs de l’innovation et de la fabrication est une partie essentielle d’une stratégie fructueuse en matière de minéraux critiques. La stratégie ontarienne en matière de minéraux critiques contribuera également à éclairer d’autres initiatives gouvernementales importantes qui favorisent le développement économique dans la province.
À ce jour, les technologies propres représentent un domaine dans lequel le gouvernement de l’Ontario a concentré ses investissements, notamment un récent investissement de contrepartie de 295 millions de dollars avec le gouvernement du Canada pour réoutiller le complexe d’assemblage d’Oakville de Ford Canada. En conjonction avec d’autres annonces, comme, l’investissement de près de 800 millions de dollars de la société General Motors Co. pour amener la production du véhicule électrique BrightDrop EV600 à son usine de fabrication CAMI en Ontario, ces étapes, entres autres, sont cruciales pour garantir les investissements futurs dans toute la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques à batterie (VEB). [5]
Le gouvernement de l’Ontario sollicite les réactions des parties prenantes sur le document de travail. Nous ne connaissons pas encore la date de sortie de la stratégie.
Un petit aparté est l’exigence de la Loi sur les mines de l’Ontario, au paragraphe 91(1), qui stipule que « L’aliénation d’un terrain, d’un claim ou de droits miniers, notamment par lettres patentes ou par bail, en vertu de la présente loi, de toute autre loi ou de toute autre autorité, est assujettie à la condition que tous les minerais et minéraux qui en sont tirés ou extraits soient traités et raffinés au Canada de façon à produire des métaux raffinés ou d’autres produits pouvant, sans autre traitement, être directement utilisés dans les procédés techniques ». En ce qui concerne les minéraux critiques, l’Ontario pourrait utiliser cette disposition à son avantage pour assurer un traitement ultérieur en Ontario ou, dans le cas d’une autre province, une entente avec cette province pour le traitement réciproque des minéraux critiques de cette province en Ontario.
Dans le prochain article de cette série, nous examinerons ce que la Colombie-Britannique a fait pour catalyser l’exploration et la production de minéraux critiques.
Les auteurs tiennent à remercier Claude Jodoin (fiscalité), Janet Howard (électricité), Allison Sears (hydrogène), Andrew House(sécurité nationale) et Emilie Bundock (droit autochtone) de leur contribution.
[1] Disponible en ligne : https://prod-environmental-registry.s3.amazonaws.com/2021-03/CM_StrategyFramework_DiscussionPaper_05032021_FR_Accessible%20-%20FINAL.pdf
[2] Document de travail sur le cadre ontarien en matière de métaux critiques, page 13
[3] Document de travail sur le cadre ontarien en matière de métaux critiques, page 14
[4] Document de travail sur le cadre ontarien en matière de métaux critiques, page 15
[5] Document de travail sur le cadre ontarien en matière de métaux critiques, page 25