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Le projet de loi 161 a été adopté – Le gouvernement de l’Ontario apporte des changements majeurs au régime des recours collectifs

Fasken
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Litiges et résolution de conflits

Le 8 juillet 2020, le gouvernement de l’Ontario a modifié substantiellement la Loi de 1992 sur les recours collectifs (la LRC) lorsque la lieutenante-gouverneure a donné la sanction royale au projet de loi 161, Loi de 2020 pour un système judiciaire plus efficace et plus solide. Le projet de loi 161 constitue la première révision substantielle de la Loi sur les recours collectifs depuis son adoption, il y a 28 ans.

De façon générale, ces modifications visent à rendre le régime ontarien des recours collectifs plus efficace et à trouver un meilleur équilibre entre les droits des demandeurs et ceux des défendeurs. Ces modifications font suite à l’examen approfondi du régime ontarien des recours collectifs auquel a procédé la Commission du droit de l’Ontario (la Commission), dont le rapport a été publié en 2019. Fasken a participé directement à cet examen en tant que membre d’un groupe restreint d’avocats ontariens chevronnés, spécialisés dans la défense des recours collectifs, qui a soumis ses observations à la Commission au sujet des réformes proposées au nom de divers regroupements d’avocats spécialisés dans la défense des entreprises.

Les modifications s’appliqueront aux recours collectifs qui seront déposés après que le projet de loi 161 soit entré en vigueur (le gouvernement n’a pas encore annoncé de date. Une fois qu’il aura été proclamé en vigueur, le projet de loi 161 aura des répercussions immédiates sur les recours collectifs en Ontario. Voici les points saillants à retenir au sujet de ce projet de loi.

Renforcement des exigences en matière de certification : ajout des critères du « moyen supérieur» et de la « prédominance des questions communes » au critère de la « procédure préférable ».

Le changement sans doute le plus important apporté à la LRC est l’ajout des critères du « moyen supérieur » et de la « prédominance » au critère de la « procédure préférable » en matière de certification.

Selon la condition actuelle du critère de certification relative à la procédure préférable, le tribunal doit déterminer si le recours collectif permet, mieux que les autres types de recours judiciaires qui peuvent être exercés, de réaliser les trois objectifs des recours collectifs, à savoir : l’économie des ressources judiciaires, la modification des comportements et l’accès à la justice[1]. Les tribunaux ontariens ont traditionnellement accepté que le recours collectif pouvait s’avérer le meilleur moyen d’atteindre ces objectifs lorsque la résolution de questions communes ferait avancer sensiblement l’instance dans son ensemble, et ce, même si les questions communes ne l’emportaient pas sur les questions individuelles (c’est-à-dire sur les questions qui ne sont pas communes à tous les membres du groupe[2].

Le projet de loi 161 revoit cette approche en renforçant le critère de la procédure préférable en lui greffant un critère de supériorité et un critère de prédominance. À la suite de cette modification, pour satisfaire à la condition du critère de certification relative à la procédure préférable, le demandeur devra démontrer les éléments suivants :

  • le recours collectif envisagé est supérieur à tous les autres moyens raisonnablement disponibles pour déterminer le droit des membres du groupe à obtenir réparation, y compris la gestion de cas de réclamations individuelles, ou tout programme ou programme de redressement en dehors d’une procédure; et
  • les questions de fait ou de droit communes aux membres du groupe prédominent sur toutes les questions n’affectant que les membres individuels du groupe.

Les critères de la supériorité et de la prédominance qu’introduit le projet de loi 161 ressemblent beaucoup au critère applicable aux États-Unis en matière de certification des recours collectifs qui est prévu à l’article 23(b)(3) des United States Federal Rules of Civil Procedure, ce qui donne à penser que le législateur ontarien cherche peut-être à rapprocher la norme applicable en matière de certification de celle qui existe aux États-Unis. Bien qu’il reste à voir comment ces nouvelles exigences seront interprétées par les tribunaux ontariens, il y a lieu de souhaiter que cette modification du critère de certification permette d’écarter d’emblée certaines demandes de recours collectifs qui pourraient répondre aux critères de certification actuels parce qu’ils portent sur une ou plusieurs questions communes, mais qui ne devraient pas vraiment être autorisés comme recours collectifs pour des raisons d’ordre pratique ou d’efficacité, parce que ce sont des cas d’espèce.

2. Possibilité de statuer, avant la certification, sur une motion susceptible de régler l’instance

Les modifications prévues par le projet de loi 161 faciliteront le règlement rapide de certaines demandes de recours collectifs en renversant la présomption suivant laquelle, en Ontario, la requête en certification est la première motion susceptible de décider du sort de l’instance dans le cadre d’un recours collectif[3].

Le projet de loi 161 oblige le tribunal à statuer, avant la requête en certification, sur toute motion susceptible de régler l’instance ou de limiter les questions en litige à trancher ou les éléments de preuve à présenter, sauf si le tribunal ordonne que les deux motions soient entendues ensemble. Cette modification devrait rendre le régime ontarien des recours collectifs plus efficace et favoriser l’économie des ressources judiciaires en encourageant la présentation de motions avant l’étape de la certification pour trancher plus rapidement les demandes non fondées ou circonscrire le débat avant que le tribunal ne statue sur la requête en certification.

3. Gestion des recours collectifs multi-juridictionnel

Le projet de loi 161 introduit de nouvelles dispositions permettant aux juges de gérer plus efficacement les recours collectifs multi-juridictionnel en parallèle, c’est-à-dire les recours collectifs introduits dans d’autres provinces au nom du même groupe proposé et contre les mêmes défendeurs ou des défendeurs qui leur sont liés, et qui portent sur des demandes identiques ou semblables. Le projet de loi 161 inclut une exigence pour les juges ontariens de considérer la possibilité de refuser la certification sur la base qu’il serait préférable que la totalité ou une partie des questions soient réglées dans le cadre d’un recours collectif exercé à l’extérieur de l’Ontario. Le tribunal peut, en réponse à une motion présentée par l’une ou l’autre partie ou par un membre du groupe, suspendre en vertu de ce facteur l’instance introduite en Ontario avant de statuer sur la requête en certification.

Ces modifications harmoniseront le régime des recours collectifs de l’Ontario avec celui de certaines autres provinces canadiennes, telles que l’Alberta, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan, où il existe déjà des dispositions similaires en matière de gestion des instances multi-juridictionnel.

4. Droits d’appel symétriques

L’asymétrie des droits d’appel prévus par la LRC a longtemps été considérée comme l’exemple le plus flagrant du déséquilibre qui existe entre les droits accordés aux demandeurs et ceux reconnus aux défendeurs. En effet, la LRC conférait aux demandeurs le droit automatique d’interjeter appel devant la Cour divisionnaire du refus de rendre une ordonnance de certification, alors que les défendeurs qui souhaitaient faire appel d’une ordonnance certifiant un recours collectif ne disposaient pas d’un droit d’appel automatique, mais devaient s’adresser à la Cour d’appel pour être autorisés à interjeter appel de l’ordonnance de certification. Le projet de loi 161 vient uniformiser les règles du jeu en conférant tant aux demandeurs qu’aux défendeurs un droit automatique d’interjeter appel devant la Cour d’appel de la décision rendue au sujet de la certification sans avoir à demander d’abord l’autorisation de le faire.

5. Autres modifications

Parmi les autres changements apportés à la LRC, mentionnons :

  • l’introduction d’un nouveau mécanisme permettant de demander le rejet d’un recours collectif inactif au premier anniversaire du jour de l’introduction de l’instance;
  • la codification d’un certain nombre d’exigences concernant les accords de financement par un tiers en vue : a) d’améliorer la transparence en exigeant qu’une version caviardée de l’accord de financement soit fournie au défendeur; b) d’assurer la protection des membres du groupe en assujettissant tout accord de financement à l’approbation du tribunal; c) d’assurer la protection du défendeur en lui accordant le droit de se faire indemniser directement du bailleur de fonds des frais adjugés à la partie adverse, jusqu’à concurrence  de l’indemnité prévue aux termes de l’accord de financement;
  • la suspension du délai de prescription applicable à la demande de contribution et d’indemnité du défendeur à compter de la date de l’introduction de l’action jusqu’à ce que le délai d’appel de l’ordonnance de certification expire ou que l’appel ait été réglé de façon définitive;
  • l’obligation faite au demandeur d’assumer le coût de la communication aux membres du groupe de l’avis de certification du recours collectif, sauf si le demandeur obtient gain de cause sur le fond sur des questions communes;
  • l’interdiction d’introduire une instance concernant le même objet ou un objet similaire sans l’autorisation du tribunal si plus de 60 jours se sont écoulés depuis l’introduction de la l’instance en Ontario;
  • la possibilité pour le tribunal d’ordonner que la totalité ou une partie du montant total de dommages-intérêts soit distribué selon le principe de cy-près lorsqu’il n’est pas pratique ou possible d’indemniser directement les membres du groupe.

Étant donné que le projet de loi 161 ne s’appliquera pas aux recours collectifs qui ont été déposés avant la date d’entrée en vigueur du projet de loi 161, il faudra un certain temps avant de connaître les répercussions du projet de loi 161. En tant que cabinet en défense renommé en matière de recours collectif au Canada, Fasken continuera à jouer un rôle actif de conseiller juridique en vue d’influencer cette évolution du droit. Nous continuerons à suivre ces développements afin d’en informer tant nos clients que les abonnés de nos bulletins.


[1]       Fischer c. IG Investment Management Ltd., 2013 CSC 69, par. 22.

[2]       Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, par. 39-40; Cannon v. Funds for Canada Foundation, 2012 ONSC 399, par. 280.

[3]       Attis v. Canada (Minister of Health), [2005] O.J. No. 1337 (C.S.J.), par. 7; Cannon v. Funds for Canada, 2010 ONSC 146, par. 7.

 

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  • Peter J. Pliszka, Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3336, ppliszka@fasken.com
  • Robin P. Roddey, Associé, Toronto, ON, +1 416 865 4473, rroddey@fasken.com
  • Pavel Sergeyev, Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3443, psergeyev@fasken.com

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