Des changements importants au Code de déontologie des lobbyistes (« Code ») entreront en vigueur le 1er juillet 2023. Les modifications, qui ont été publiées dans la Gazette du Canada le 26 mai 2023, créeront un labyrinthe de nouvelles règles juridiques pour les cadeaux, les marques d’hospitalité et les activités de divertissement offerts aux employés du secteur public.
La nouvelle mouture du Code modifie également la période de restriction pour le travail politique, l’interdiction de communiquer avec des « relations étroites » et l’interdiction de fournir des informations trompeuses.
Règles sur les cadeaux et les marques d’hospitalité applicables aux lobbyistes
Le lobbying sera toujours défini au sens large en vertu du Code comme toute communication avec un titulaire d’une charge publique au sujet de l’élaboration, du dépôt ou de la modification d’un projet de loi, d’une résolution, d’une proposition législative, d’un règlement[1], d’une orientation ou d’un programme[2] du gouvernement fédéral.
Le lobbying comprendra également toujours les communications au sujet de « l’octroi de subventions, de contributions ou d’autres avantages financiers » par ou au nom du gouvernement fédéral et, dans certains cas, « l’octroi de tout contrat » par ou au nom du gouvernement fédéral[3].
Les nouvelles règles limiteront les circonstances dans lesquelles un lobbyiste peut offrir un cadeau ou une marque d’hospitalité à un titulaire de charge publique. Ces règles s’appliqueront aux lobbyistes qui offrent des cadeaux et des marques d’hospitalité et non pas aux titulaires d’une charge publique qui les acceptent (ces derniers seront soumis à différentes restrictions, décrites ci-dessous.)
Il est important de noter que les nouvelles règles sur les cadeaux et les marques d’hospitalité s’appliqueront de la même manière aux employés et aux dirigeants qui font du lobbying au nom d’un employeur (c’est-à-dire les « lobbyistes salariés »), ainsi qu’aux consultants et aux sous-traitants qui font du lobbying, moyennant paiement, pour le compte d’un client (c’est-à-dire les « lobbyistes-conseils »).
Les cadeaux et les marques d’hospitalité ne doivent pas dépasser la limite
Les nouvelles règles sur les cadeaux et les marques d’hospitalité seront énoncées aux règles 3.1, 3.2 et 3.3 du Code. En vertu des nouvelles règles, un cadeau sera défini comme « [t]oute chose de valeur fournie gratuitement, sans frais, à un taux réduit ou à un montant inférieur à la valeur marchande, et qui n’a pas besoin d’être remboursée[4] ».
Les cadeaux comprendront des laissez-passer, des billets, des prix de présence, des articles en guise d’appréciation, des certificats-cadeaux, des bons d’achat, de l’argent, des prêts, des biens, des services, des voyages et des services de transport[5]. Les marques d’hospitalité seront définies comme des « aliments ou boissons fournis aux fins de consommation lors d’un rassemblement en personne (réunion, journée de lobbying, événement, réception, etc.)[6] ».
- La règle 3.1 interdira aux lobbyistes de fournir, directement ou indirectement, un cadeau à un titulaire de charge publique auprès de qui ils font ou envisagent de faire du lobbying.
- La règle 3.2 interdira aux lobbyistes de fournir, directement ou indirectement, une marque d’hospitalité à un titulaire de charge publique auprès de qui ils font ou envisagent de faire du lobbying.
Il y aura une nouvelle exemption pour les cadeaux qui sont des « expressions coutumières de la tradition ou de la pratique culturelle autochtone du lobbyiste[7] » ainsi que pour les « marque[s] d’hospitalité de faible valeur à consommer lors d’un rassemblement en personne » et pour un « cadeau de faible valeur qui est un article en guise d’appréciation ou promotionnel[8] ». La faible valeur est présentement fixée à 40 $ ou moins par personne (excluant les taxes, les frais d’expédition, les pourboires et les frais de service).
- Les nouvelles règles préciseront également comment calculer la valeur d’une marque d’hospitalité. À l’avenir, la valeur sera calculée « sur une base unitaire (c’est-à-dire par personne) en divisant le coût total des aliments et des boissons par le nombre de personnes dont on peut raisonnablement s’attendre à voir assister au rassemblement[9] ».
Les règles 3.1 et 3.2 doivent être lues conjointement avec la règle 3.3, qui stipule que la valeur totale de l’ensemble des cadeaux et des marques d’hospitalité autorisés qui sont fournis à un titulaire de charge publique ne doit pas dépasser un total de 200 $ au cours d’une année civile.
La commissaire pourra accorder des exemptions et imposer des conditions
La commissaire au lobbying du Canada aura un nouveau pouvoir, à compter du 1er juillet 2023, lui permettant d’exempter les lobbyistes des restrictions susmentionnées sur les cadeaux et les marques d’hospitalité[10]. La commissaire pourra également imposer des conditions aux lobbyistes qui offrent des cadeaux et des marques d’hospitalité, notamment l’imposition d’une « période de restriction au cours de laquelle le lobbyiste ne peut pas faire du lobbying auprès du fonctionnaire ».
Les restrictions visent aussi les cadeaux et les marques d’hospitalité « indirects »
Les nouvelles règles précisent que les restrictions s’appliquent aux cadeaux et aux marques d’hospitalité fournis directement ou indirectement. La règle actuelle, qui sera remplacée le 1er juillet 2023, interdit aux lobbyistes d’offrir un cadeau « à un titulaire d’une charge publique, auprès duquel il fait ou fera du lobbying ». La règle actuelle est muette sur les cadeaux offerts indirectement par une autre personne, comme un collègue, un client ou un consultant, au nom d’un lobbyiste.
La nouvelle règle élimine cette ambiguïté en clarifiant que les cadeaux fournis indirectement, « à la suggestion ou à la demande du lobbyiste », sont compris dans le champ d’application des nouvelles règles[11]. En d’autres termes, les cadeaux offerts par des collègues, des clients et des consultants doivent respecter les règles 3.1, 3.2 et 3.3.
Cette nouvelle règle signifie que les entreprises et les organisations devront évaluer, suivre et surveiller tous les cadeaux et toutes les marques d’hospitalité qui sont fournis en leur nom, y compris ceux fournis par des consultants et des sous-traitants externes. Compte tenu de ce risque juridique et réputationnel accru, il est fortement recommandé que les entreprises et organisations se protègent en :
- Révisant les procédures, les politiques et les programmes de conformité des consultants et des sous-traitants externes potentiels avant de les engager;
- Intégrant des protections juridiques dans tous les contrats et accords avec des consultants et des sous-traitants externes;
- Créant un registre central où l’ensemble des cadeaux et des marques d’hospitalité fournis à des employés du secteur public, y compris ceux fournis par des consultants et des sous-traitants externes, sont documentés.
Il est également recommandé que les entreprises et les organisations révisent leurs procédures, politiques et programmes de conformité pour s’assurer qu’ils sont adéquats et à jour. Le non-respect de la Loi et du Code peut avoir de graves conséquences juridiques et réputationnelles.
Restrictions légales additionnelles importantes
Il est important de garder à l’esprit que les restrictions décrites ci-dessus ne sont pas les seules restrictions qui s’appliquent aux cadeaux, aux marques d’hospitalité et aux activités de divertissement offerts à des employés du secteur public. Le Code doit être lu conjointement avec d’autres textes législatifs, y compris ceux qui s’appliquent à l’acceptation de cadeaux, de marques d’hospitalité et d’activités de divertissement par les titulaires d’une charge publique. Notamment :
- La Loi sur les conflits d’intérêts interdit à certains titulaires de charge publique (y compris le premier ministre, les ministres, les ministres d’État, les secrétaires parlementaires et les membres de leur personnel et de leur famille) d’accepter tout cadeau ou avantage qui « pourrait raisonnablement donner à penser qu’il a été donné pour influencer le titulaire dans l’exercice de ses fonctions officielles[12] ». Cette loi prévoit une exemption limitée pour un cadeau ou un avantage qui est « une marque normale ou habituelle de courtoisie ou de protocole » ou qui est « habituellement offert dans le cadre de la charge du titulaire[13] ».
- Le Code criminel interdit, entre autres, aux titulaires d’une charge publique d’accepter ou d’exiger, directement ou indirectement, « un prêt, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature que ce soit » en considération d’actions ou d’omissions spécifiques liées à la « conclusion d’affaires » avec le gouvernement[14]. Il interdit également les pots-de-vin (article 119), les fraudes envers le gouvernement (article 121) et les commissions secrètes (article 426).
Compte tenu de ce labyrinthe de règles juridiques, il est fortement recommandé aux entreprises et aux organisations de consulter un conseiller juridique avant d’offrir un cadeau, une marque d’hospitalité ou une activité de divertissement à des employés du secteur public.
Il est également fortement recommandé aux lobbyistes de consulter un conseiller juridique avant de communiquer avec le régulateur. Celui-ci dispose de pouvoirs étendus pour transmettre des cas à la police s’il a « des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis une infraction à la [Loi sur le lobbying] ou à toute autre loi fédérale ou provinciale ». Le régulateur dispose également de vastes pouvoirs d’enquête, dont les suivants :
- ordonner à des personnes de témoigner oralement ou par écrit sous serment[15];
- convoquer et faire comparaître des personnes devant le commissaire[16];
- ordonner la production de documents et pièce utiles à l’enquête[17].
Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur les règles qui s’appliquent aux cadeaux, aux marques d’hospitalité et aux activités de divertissement offerts aux employés du secteur public, veuillez contacter un membre de notre équipe de droit politique. Nous vous invitons également à consulter notre autre bulletin sur le Code de déontologie des lobbyistes .
[1] Un règlement s’entend notamment de tout règlement, décret, ordonnance, proclamation, arrêté, règle, règlement administratif, résolution, instruction ou directive, formulaire, tarif de droits, de frais ou d’honoraires, lettres patentes, commission, mandat, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur les textes réglementaires.
[2] Loi sur le lobbying (la « Loi »), alinéas 5(1)a) et 7(1)a).
[3] Loi, précitée note 2, sous-alinéas 5(1)a)v) et 7(1)a)v).
[4] Code de déontologie des lobbyistes, 2023 (le « Code »), section « Définitions ».
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Code, précité note 4, sections 3.1 et 3.2.
[9] Ibid., section « Définitions ».
[10] Il est fortement recommandé aux lobbyistes souhaitant se prévaloir d’une exemption prévue aux règles 3.1, 3.2 ou 3.3 du Code de consulter un conseiller juridique avant de soumettre leur demande d’exemption.
[11] Code, section « Définitions ».
[12] Loi sur les conflits d’intérêts, par. 11(1).
[13] Ibid., alinéa 11(2)c).
[14] Code criminel, article 121.
[15] Loi, sous-alinéa 10.4(2).
[16] Ibid.
[17] Ibid.